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Impôt minimum sur les multinationales: les précisions utiles de l’OCDE

Le nouveau régime fiscal pour les grandes entreprises est en vigueur dans plus de 30 pays. Des clarifications administratives facilitent sa mise en œuvre. Par Christian Pauletto

Le siège de l'OCDE. «Un nouvel accord sur la règle d’assujettissement à l’impôt sera signé lors d’une cérémonie prévue le 19 septembre à Paris.»
KEYSTONE
Le siège de l'OCDE. «Un nouvel accord sur la règle d’assujettissement à l’impôt sera signé lors d’une cérémonie prévue le 19 septembre à Paris.»
Christian Pauletto
Ancien négociateur suisse à l'OCDE
13 août 2024, 19h00
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L’impôt minimum de 15% sur les grandes entreprises multinationales (EMN) a fait couler beaucoup d’encre lors de la campagne de vote de juin 2023. Il a été plébiscité par 78,5% du peuple suisse. Depuis, les travaux ont avancé en Suisse et sur le plan international. Tout, dans les récents développements, semble donner raison à ces 78,5% de votants, car, d’une part, l’impact escompté semble se confirmer et, d’autre part, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a précisé ses règles, facilitant la vie des entreprises.

L’impôt minimum est entré en vigueur en Suisse le 1er janvier 2024 par voie d’ordonnance du Conseil fédéral. A ce jour, 35 pays en ont fait de même et l’OCDE anticipe qu’il sera appliqué par une soixantaine de juridictions d’ici à l’an prochain. L’OCDE a aussi clarifié ses règles, en publiant un manuel de mise en œuvre en 2023 et trois «séries d’instructions administratives», suivies d’une quatrième série en juin 2024, abordée ci-après. Un nouvel accord sur la règle d’assujettissement à l’impôt sera signé lors d’une cérémonie prévue le 19 septembre à Paris.

Les transferts de bénéfices entre juridictions à des fins d’optimisation fiscale vont régresser de moitié, passant de 698 à 356 milliards de dollars par an, prévoit l’OCDE

Christian Pauletto

L’OCDE a aussi publié une seconde étude d’impact en début d’année. Selon ces projections, 90% des EMN visées seront soumises à l’impôt minimum en 2025 si l’on prend en compte les pays qui appliquent ces règles et ceux qui ont annoncé avoir l’intention de le faire. Ces estimations suggèrent que l’impôt permettra d’augmenter les recettes fiscales mondiales de 155 à 192 milliards de dollars par an, chiffre revu à la baisse comparé aux prévisions initiales de l’OCDE. Cela représente tout de même entre 6,5 et 8,1% des revenus fiscaux mondiaux.

Surtout, les transferts de bénéfices entre juridictions à des fins d’optimisation fiscale vont régresser de moitié, passant de 698 à 356 milliards de dollars par an. C’était là que résidait la motivation première du projet du G20/OCDE. La concurrence entre entreprises sera ainsi plus équitable.

En revanche, l’OCDE ne dispose pas de données sur les géants du numérique, les GAFA. On se souvient que celles-ci étaient, en son temps, les principales cibles de la fameuse «taxe GAFA», en raison de leurs pratiques d’évitement fiscal à grande échelle. L’impôt minimum, applicable à toutes les grandes EMN, a remplacé le projet de taxe GAFA.

Venons-en aux dites clarifications administratives. Leur but premier est d’aider les autorités fiscales et d’assurer une application uniforme à l’international, mais pas seulement. L’OCDE souhaite aussi faciliter la tâche des entreprises et leur accorder plus de souplesse. La quatrième série d’instructions nous livre quelques exemples. Un premier cas concerne le mécanisme de «reprise des impôts différés passifs» (IDP). Il s’agit de certains impôts qui ont été reportés, mais n’ont pas été payés en pratique après un délai de cinq ans (article 4.4.4).

Ces souplesses et clarifications allègent la tâche notamment des EMN américaines établies en Suisse.

Christian Pauletto

Pour pouvoir prélever la différence entre le taux minimum de 15% et le taux d’imposition effectif (TEI) payé par l’EMN, il faut donc recalculer ce dernier. Or, dans leur comptabilité, les EMN enregistrent les IDP de manière agrégée dans le compte général, et pas individuellement, car la reprise des IDP est rarement une exigence comptable. Cela complique leur traçabilité après cinq ans, et les règles OCDE laissaient entendre qu’un retraçage individuel était exigé. Les nouvelles instructions autorisent le traçage d’IDP sur la base du seul compte général.

Un second exemple concerne l’allocation des impôts entre établissements d’une même EMN. En cas de revenus à l’étranger soumis à un impôt, certains systèmes fiscaux permettent de créditer ledit impôt à un autre revenu à l’étranger. Or, les règles OCDE ne fixaient pas assez précisément la manière d’allouer les impôts concernant, par exemple, une entité principale et ses établissements dans divers pays. Afin d’éviter des risques de double imposition ou de non-imposition, les nouvelles instructions proposent une méthode précise en quatre étapes aux fins de cette allocation intragroupe.

Ces souplesses et clarifications allègent la tâche notamment des EMN américaines établies en Suisse.