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C’est plutôt mal parti pour l’«Europe Great Again»

En 2000, l’agenda de Lisbonne prétendait faire de l’Union européenne «l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde». C’est raté.

«Des signaux sont allumés, bien au-delà de la fermeture de la verrerie de Saint-Prex ou des difficultés de notre aciérie en Suisse alémanique.»
KEYSTONE
«Des signaux sont allumés, bien au-delà de la fermeture de la verrerie de Saint-Prex ou des difficultés de notre aciérie en Suisse alémanique.»
Olivier Feller
PLR Vaud - Conseiller national
11 décembre 2024, 15h00
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L’économie européenne est malade de son industrie. La Suisse s’en ressent. Des signaux sont allumés, bien au-delà de la fermeture de la verrerie de Saint-Prex ou des difficultés de notre aciérie en Suisse alémanique. La situation est particulièrement difficile dans les entreprises de machines et d’équipements.

Cette situation s’explique en partie par la conjoncture: du ralentissement mondial des échanges au niveau élevé du franc suisse. Mais les causes structurelles sont beaucoup plus inquiétantes. Elles sont liées, partout en Europe de l’Ouest, et a fortiori en Suisse, à des coûts de production trop élevés en comparaison mondiale. Ce qui a conduit à de nombreuses délocalisations en Asie, mais aussi aux Etats-Unis, ce qui est moins connu. Les entreprises européennes y ont en effet de plus en plus d’actifs: 18% en 2012, 30% en 2022! C’est le fruit de la politique américaine qui vise à favoriser son industrie au travers de subventions et de droits de douane. On peut résumer cette volonté par une idée simple: si vous voulez vendre aux States, produisez aux States!

Il ne suffit plus de bénir l’investissement dans l’innovation à chaque prise de parole. [...] Cela veut dire avoir une stratégie industrielle

Olivier Feller

Deux phénomènes s’y ajoutent.

1. La montée en puissance de la Chine. L’effondrement des entreprises automobiles européennes sur le marché des véhicules électriques en est le signe le plus visible. En quelques semaines, dans la seule Allemagne, Volkswagen annonce la fermeture de trois sites. Thyssenkrupp Steel programme la suppression de 11.000 emplois, soit 40% de ses effectifs. Bosch, Ford et deux équipementiers (Schaeffler et ZF) suivent le même mouvement. En France, les plans de licenciements en gestation devraient toucher 170.000 à 200.000 postes.

2. La dépendance de l’Europe – et de la Suisse – à l’égard de l’Asie, et en premier de la Chine, pour toute une série de produits essentiels à la marche de notre société: panneaux solaires, batteries, puces électroniques, principes actifs de médicaments. La France est aujourd’hui incapable de produire de la poudre à canon sans un élément essentiel importé de Chine, dont Pékin a cessé les livraisons peu après le début de l’invasion russe en Ukraine. Pour alimenter ses fabriques de munitions, Paris a été obligé de construire en urgence une usine de production, qui devrait ouvrir au printemps 2025.

L’Occident a sous-estimé la Chine. Chaque année, elle forme plus d’ingénieurs que les Etats-Unis et l’Europe réunis. Grâce à des investissements massifs et une politique industrielle ambitieuse, elle est devenue un acteur primordial de l’innovation. Pékin est désormais leader mondial du dépôt de brevets, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la biotechnologie.

En 2000, l’agenda de Lisbonne prétendait faire de l’Union européenne «l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde». C’est raté, râpé. Les investissements dans la recherche et le développement n’ont pas suivi. Un réveil trop tardif va coûter très cher avant d’obtenir des résultats.

La Suisse doit elle aussi se réveiller. Les discours sur l’amélioration des conditions cadre sont obsolètes. Rien ne s’améliore, au contraire tout se complique. Il ne suffit plus de bénir l’investissement dans l’innovation à chaque prise de parole. Il faut le faire et savoir dans quels domaines et selon quels critères. Cela veut dire avoir une stratégie industrielle. La Suisse n’en est même pas aux balbutiements. C’est au Parlement de se saisir de cet enjeu si, comme jusqu’à présent, le Conseil fédéral s’en montre incapable.