Le 4 décembre prochain, le Conseil des Etats aura à se prononcer sur un projet de sa commission de la science, de l’éducation et de la culture visant à accorder aux parents une nouvelle prestation, par le biais d’une modification de la loi fédérale sur les allocations familiales. Ainsi, les parents recourant à une «offre d’accueil extra-familial institutionnel» au moins un jour par semaine pour la garde de leur enfant recevraient une allocation minimale de 100 francs par mois, auxquels s’ajouteraient 50 francs par demi-journée supplémentaire. Il appartiendrait au Conseil fédéral de déterminer quelles structures sont considérées comme «institutionnelles».
Le principe même d’une réglementation fédérale en la matière doit être fermement rejeté pour des motifs de fédéralisme élémentaire: ce domaine est de compétence cantonale. On rappellera à cet égard que les conseillers aux Etats sont censés représenter les intérêts de leurs cantons respectifs. Or un projet qui empiète sur leurs compétences est par définition contraire aux intérêts des cantons. Puissent nos représentants à Berne s’en souvenir le 4 décembre!
A côté de cela, il y a évidemment la question des coûts pour les entreprises, puisque les allocations familiales sont, dans la quasi-totalité des cantons, financées exclusivement par les employeurs. La nouvelle allocation impliquerait donc un relèvement non négligeable du taux de cotisation, non seulement en raison des prestations proprement dites, mais aussi au titre des frais administratifs.
Dans le canton de Vaud, les employeurs financent à hauteur de 0,16% des masses salariales la Fondation pour l’accueil de jour des enfants. Un tel système, qui a fait ses preuves, risquerait fort d’être remis en cause
Sophie Paschoud
Même si cet élément est totalement occulté, la question de la charge de travail pour les caisses est aussi un facteur de coût important. Dès lors que le montant de l’allocation est fonction de la fréquentation hebdomadaire d’une structure – structure dont il faudra par ailleurs s’assurer qu’elle est «institutionnelle» –, cet élément devra en bonne logique être contrôlé et traité chaque mois, et les montants devront être adaptés au gré des changements de situation, des vacances des parents, des périodes de fermeture des structures, etc.
Il s’agira aussi, selon toute vraisemblance, de procéder à des calculs savants pour déterminer le droit à l’allocation, lorsque, au cours d’un même mois, la fréquentation hebdomadaire diffère d’une semaine à l’autre. Pour assumer cette forte augmentation de la charge administrative, les caisses d’allocations familiales devront notamment engager du personnel, dont le coût se répercutera sur les entreprises.
Autrement dit, la commission propose un monstre bureaucratique, alors que les cantons n’ont pas attendu que quelques parlementaires fédéraux se sentent investis d’une mission en la matière pour mettre en place des politiques et des systèmes favorisant l’accueil extra-familial. Par exemple, dans le canton de Vaud, les employeurs financent à hauteur de 0,16% des masses salariales la Fondation pour l’accueil de jour des enfants, qui subventionne des places d’accueil depuis près de vingt ans. Un tel système, qui a fait ses preuves, risquerait fort d’être remis en cause en cas d’adoption du projet, dès lors que les employeurs ne seraient certainement pas disposés à payer à double.
Un beau gâchis!