Le système de prévoyance vieillesse en Suisse repose sur trois piliers: étatique, professionnel et privé. Cependant, la structure historique des assurances sociales laisse chaque individu seul face aux institutions de ces trois piliers, rendant complexe l’estimation globale des prestations de retraite. La multiplicité des lois, règlements et acteurs impliqués rend difficile cette estimation, souvent inaccessible sans l’aide de conseillers financiers.
De plus, les statistiques montrent que le taux de pauvreté chez les plus de 65 ans est deux fois plus élevé que chez les personnes en âge de travailler, touchant particulièrement les femmes, les individus sans formation, celles et ceux vivant seuls ou d’origine étrangère. Comparée à d’autres pays européens, la Suisse affiche un taux de pauvreté des personnes âgées élevé malgré des dépenses liées aux retraites plus importantes en pourcentage du PIB. Le canton de Genève est particulièrement affecté, avec un taux de pauvreté des personnes retraitées plus élevé que la moyenne suisse.
Les citoyennes et citoyens doivent avoir un accès unique à leurs estimations de rentes des trois piliers
Catherine Equey et Natacha Pons
Pour remédier à ce phénomène, il est essentiel d’obtenir un accès facilité à nos données de prévoyance. Actuellement, dans bon nombre de caisses de pension, les personnes assurées n’ont pas d’accès numérique à leurs données. C’est un peu comme si elles disposaient d’un compte bancaire sans service e-banking et ne recevaient un relevé papier de l’état de leur compte qu’une fois par an. Pourtant, les personnes actives ont besoin d’accéder simplement à leurs estimations de rentes et de capitaux de vieillesse, afin de prendre des décisions d’épargne nécessaires leur permettant de maintenir un niveau de vie décent à la retraite.
Cette démarche de transparence implique un repositionnement clair sur la propriété des données ainsi que la numérisation de la prévoyance vieillesse. Nous affirmons que les citoyennes et citoyens doivent avoir un accès unique à leurs estimations de rentes des trois piliers et que les institutions concernées ont un devoir de simplification et de coordination des accès.
Dans cette optique, la Haute école de gestion de Genève a développé un prototype de plateforme numérique permettant aux personnes assurées d’estimer facilement l’intégralité de leurs rentes et capitaux de vieillesse.
En s’engageant aux côtés de cette initiative, déjà appuyée par plusieurs organismes majeurs des trois piliers, les entreprises ont un rôle crucial à jouer dans l’amélioration du niveau de vie de leurs employées et employés à la retraite. Le choix de la caisse de pension est un levier puissant pour faire avancer la numérisation et l’ouverture aux données.
Si les caisses de pension sont sélectionnées en fonction de leur transparence et de la facilité d’accès qu’elles offrent, elles seront incitées à adopter des outils et processus numériques, facilitant une consultation régulière des estimations des rentes et des capitaux de vieillesse. Les personnes assurées, quant à elles, doivent investir dans des troisièmes piliers auprès d’institutions financières qui ouvrent leur système à une plateforme telle que celle évoquée.
En résumé, nous n’accepterions plus aujourd’hui d’ouvrir un compte bancaire sans accès e-banking; pourquoi accepter un tel fonctionnement pour nos capitaux de vieillesse qui, de surcroît, représentent l’épargne principale de la population suisse?