Le redressement spectaculaire des marchés obligataires occidentaux s’est poursuivi la semaine passée, entraînant un déclin marqué des rendements en dollars et en euros. Aux Etats-Unis, le rendement du T-Note à 10 ans s’est replié aux environs de 3,5%. Il avait culminé au-dessus de 4,2% en octobre, avant la publication de chiffres d’inflation rassurants qui avaient reçu un accueil euphorique.
Dans ce contexte de légère détente, Jerome Powell a formulé mercredi passé un discours important. Allait-il valider l’optimisme ambiant ou, on contraire, chercher à refroidir les espoirs des investisseurs comme il l’avait fait en août dans un discours lapidaire à Jackson Hole?
A la lecture attentive du discours, on constate que le président de la Réserve fédérale (Fed) a choisi une voie intermédiaire que les investisseurs ont choisi de (sur)interpréter comme un signal réjouissant. Certes, Jerome Powell a confirmé la perspective, déjà amplement ébruitée par de nombreux membres du FOMC, que le moment était venu de réduire la cadence du cycle de relèvements des taux d’intérêt trépidant que nous avons connu depuis fin juin. Un relèvement de 0,5 point de pourcentage du taux d’intérêt des Fed Funds de 3,75% à 4,25% est donc quasiment certain le 14 décembre. Les conditions monétaires sont désormais restrictives et il convient d’évaluer les effets retardés des mesures entreprises en 2022. Le banquier central s’est toutefois bien gardé de fournir le moindre indice quant au niveau du taux d’intérêt terminal. En outre, le discours ne traduit pas la moindre volonté d’assouplissement, en contradiction avec les attentes des investisseurs qui persistent à parier sur un revirement de la Fed dès le second semestre 2023.

Le reflux des rendements en dollars est aussi alimenté par des indicateurs traduisant un refroidissement de la conjoncture. Le repli de l’indice ISM consacré à l’activité manufacturière (49 en novembre après 50,2 en octobre) pourrait préfigurer une récession et des pressions déflationnistes. Le rapport de l’emploi est ambigu, comme le mois passé. L’enquête réalisée auprès des entreprises fait état d’une augmentation des effectifs (263.000 postes créés), alors que celle réalisée auprès des ménages met en lumière un déclin de l’emploi, mais un taux de chômage inchangé à 3,7% en raison d’une baisse du taux de participation au marché du travail. L’augmentation soutenue du salaire horaire moyen (0,6% mensuel, 5,1% en glissement annuel) traduit toutefois des tensions persistantes.
En Europe, les rendements sont également orientés à la baisse sous l’influence des Etats-Unis et à la faveur d’un timide reflux de l’inflation. Le renchérissement annuel, chiffré à 10,6% en octobre, a ralenti à 10% en novembre selon l’estimation préliminaire. Le comportement de l’indice de prix hors énergie, alimentation et tabac (inchangé en novembre, mais en hausse de 5% en glissement annuel) est réjouissant et pourrait apaiser le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) qui tiendra sa prochaine réunion le 15 décembre. A l’instar de la Fed, la BCE pourrait agir avec davantage de retenue pour se donner le temps de mieux cerner les effets de la crise énergétique et du resserrement significatif déjà accompli.
Le rebond précaire de l’indice du «sentiment économique» (93,7 en novembre après 92,7 en octobre) est vraisemblablement lié au reflux des prix de l’énergie. Le déclin du taux de chômage à 6,5% dans la zone euro en novembre est réjouissant pour les ménages et les salariés, mais de nature à compliquer la tâche de la BCE. En Europe, comme aux Etats-Unis, la chute rapide des rendements et le rebond des actions paraissent excessivement rapides au regard du chemin périlleux qui reste à parcourir avant de renouer avec une expansion équilibrée.