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Une périlleuse offensive contre l’inflation

Le revirement brutal des banques centrales occidentales entraîne une correction hors norme des obligations.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
03 mai 2022, 20h55
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Les investisseurs en obligations n’avaient pas connu pareille sanction depuis des décennies. La déroute s’est poursuivie avec des reculs avoisinant 3% à 4% en avril, conduisant à des pertes cumulées de 8% à 9% sur les emprunts gouvernementaux des États-Unis et de la zone euro depuis le début de l’année (indices toutes maturités, en monnaie locale). Aux Etats-Unis, le rendement du T-Note à 10 ans évolue tout près de 3% dans l’attente d’un resserrement imminent des vannes monétaires par la Réserve fédérale.

Une périlleuse offensive contre l’inflation

Les signaux émis depuis plusieurs semaines ne laissent guère de place au doute: le FOMC devrait annoncer mercredi un relèvement de son taux d’intérêt directeur de 0,5%, vers une fourchette comprise entre 0,75 % et 1%.

Cure d'amaigrissement

La Fed devrait en outre dévoiler les modalités précises d’un «resserrement quantitatif» qui pourrait débuter dans un avenir très proche. Un projet a déjà été ébauché dans le procès-verbal de la dernière réunion du FOMC. La banque centrale s’achemine vers une cure d’amaigrissement plus rapide qu’entre 2017 et 2019.

La réduction du portefeuille de titres sera réalisée par le biais du remboursement des emprunts du Trésor et MBS arrivant à échéance (avec un plafond fixé à 95 milliards par mois). La Réserve fédérale ne devrait toutefois pas revendre des emprunts acquis précédemment. Le combat pour endiguer l’inflation passe essentiellement par le relèvement des taux d’intérêt et son effet sur la courbe des rendements. Alors que l’assouplissement quantitatif permet d’accentuer l’effort de relance quand les taux d’intérêt monétaires viennent buter sur la borne des 0%, un resserrement quantitatif ne constitue pas un levier indispensable pour une banque centrale confrontée à une flambée de l’inflation.

La contraction inattendue du PIB des Etats-Unis observée au premier trimestre (-1,4% en rythme annualisé, en première estimation) ne devrait pas entamer la détermination de la Fed à rétablir rapidement des conditions monétaires neutres, puis temporairement restrictives. Le repli du PIB est imputable à une chute des exportations nettes qui occulte la solidité de la consommation privée (en voie de rééquilibrage vers les services) et des dépenses d’investissement.

Avertissement de la BCE

La progression soutenue de l’indice des prix inhérent au PIB (8% annualisé) et l’augmentation de l’indice du coût du travail (1,4% entre décembre 2021 et mars 2022, 4,5% en glissement annuel, au plus haut depuis 2001) dictent un cap restrictif, malgré un contexte géopolitique tourmenté. Le rapport de l’emploi attendu vendredi aux USA permettra d’affiner le diagnostic, mais la Fed semble s’acheminer vers plusieurs relèvements de taux d’intérêt de 0,5%, ce qui pourrait nous valoir des taux d’intérêt monétaires proches de 3% en fin d’année, bien au-delà de la projection «amicale» de 1,9% dévoilée en mars.

En Europe, la BCE a distillé plusieurs avertissements laissant entrevoir un arrêt complet des achats d’actifs nets dès le début du troisième trimestre, soit en juillet, ce qui pourrait nous valoir un premier relèvement des taux d’intérêt en euro avant la fin de l’été. Le virage amorcé par la BCE s’annonce toutefois moins brutal que le revirement entrepris par la Réserve Fédérale, ce qui favorise une appréciation du dollar face à l’euro… et accentue les risques d’inflation en Europe. Le changement de ton de la BCE, amplement justifié par le dérapage de l’inflation, a provoqué un aplatissement de la courbe des rendements en euros et une augmentation des «spreads» sur le marché des capitaux souverains. Le rendement du «Bund» à 10 ans est stables aux environs de 0,9% alors celui du BTP italien a dépassé 2,8% pour s’établir à son plus haut niveau depuis 2019.