Arrivés au terme d’une année marquée par la pandémie de Covid-19, les marchés obligataires affichent généralement des gains substantiels qui doivent beaucoup à l’activisme des banques centrales.
La contraction du PIB mondial survenue en 2020 marque une rupture par rapport aux crises précédentes qui présentaient un caractère plus régional, moins universel. A la différence d’une récession «traditionnelle», qui s’inscrit dans le déroulement typique du cycle, la récession de 2020 résulte d’un choix politique de restreindre l’activité pour endiguer la propagation d’une maladie contagieuse. Dans un tel contexte, une reprise durable de la croissance passe impérativement par la maîtrise de la situation sanitaire, à l’image de ce que la Chine semble avoir accompli. Le géant émergent est d’ailleurs la seule économie majeure qui affiche une expansion en 2020, malgré un fort ralentissement en début d’année.
Face à la crise sanitaire et économique, les banques centrales se sont efforcées de préserver le fonctionnement des marchés financiers qui semblait gravement compromis quand l’épidémie de Covid-19 a commencé à déferler sur l’Europe, puis sur les USA.
Plus encore que la réduction brutale des taux d’intérêt monétaires en dollars à 0%, la mise en œuvre de multiples programmes visant à alimenter en liquidités tous les segments du marché du crédit et la détermination sans faille – en mode «whatever it takes» – de la Réserve Fédérale et de ses homologues ont permis de renverser la tendance dramatique frappant les marchés financiers. A partir du 23 mars, les actions ont débuté un rebond spectaculaire qui a conduit les indices américains vers les records historiques récemment atteints.
Sous le contrôle de la Réserve fédérale, les emprunts gouvernementaux ont vu leurs rendements refluer rapidement avant de se maintenir dans une fourchette assez étroite, en dessous de 1% pour le «T-Note US» à dix ans qui s’établit actuellement aux environs 0.9%. La réunion du FOMC qui s’est tenue la semaine passée a permis de réaffirmer une posture très accommodante et la poursuite des achats d’actifs (Trésors et MBS) aussi longtemps que nécessaire. Les projections dévoilées par Jerome Powell préfigurent un taux d’intérêt des «Fed funds» maintenu à 0% jusqu’à fin 2023, quand bien même le chômage devrait refluer en-dessous de 4% à cet horizon. Ces projections soulignent la volonté de ramener l’inflation au-dessus de 2% après une longue période passée en-dessous de la cible.
Les indicateurs récents mettent en lumière un recul des ventes au détail en novembre (-1,1% mensuel, 4,1% annuel) et une augmentation des demandes d’indemnités de chômage (885.000 selon le dernier relevé hebdomadaire) qui traduit un refroidissement du marché du travail. De nombreuses enquêtes (Markit PMI, NAHB, indicateur régionaux) font état d’un refroidissement alors que la situation sanitaire demeure critique avec plus de 200.000 nouveaux cas détectés quotidiennement et plus de 110.000 personnes en cours d’hospitalisation.

Stabilité précaire en Europe
En Europe, les rendements à long terme restent également sous pression: celui du «Bund» allemand est stable aux environs de -0,6%. Plusieurs indicateurs (PMIs, indice IFO) traduisent une légère amélioration du climat des affaires à la faveur d’un assouplissement des contraintes instaurées à fin octobre, notamment en France. Cette tendance est néanmoins précaire et devrait être remise en question par la dégradation de la situation sanitaire observée en Allemagne, ainsi qu’au Royaume-Uni où une mutation du coronavirus provoque de nouvelles inquiétudes. Bien que plusieurs vaccins suscitent de grands espoirs, la pandémie continuera à entraver durant l’hiver 2020/21, en attendant une embellie le printemps prochain si les vaccins se révèlent aussi efficaces que suggéré par les essais cliniques.
Etayé par la prévision réaliste d’un rebond de la croissance et des profits en 2021, l’optimisme est aujourd’hui archi-consensuel. Très rares sont les stratèges qui se hasardent à formuler un scénario «baissier» alors que les vaccins permettent d’entrevoir de la lumière au bout du tunnel Covid-19 et que le «policy mix» conservera un caractère stimulant en Europe et aux Etats-Unis où les parlementaires viennent de s’accorder sur un plan de relance à 900 milliards de dollars. Il convient toutefois de se rappeler que le «consensus» se trompe une fois sur deux quand il s’agit de prédire la direction des actions ou des rendements obligataires.
Le redressement graduel des rendements obligataire escompté pour 2021 n’est donc pas acquis, même s’il semble faire l’unanimité parmi les experts «sell side» qui invitent les épargnants à accumuler les actions et les emprunts risqués. Le reflux des primes de risque observé depuis le printemps dernier est pourtant tel qu’il est désormais opportun de rééquilibrer les portefeuilles dans un sens plus défensif, sans négliger les obligations gouvernementales qui pourraient faire valoir leur qualité de valeur-refuge si l’optimisme ambiant venait à être démenti par les faits.