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Un havre de paix (et d’ennui) obligataire

À la différence des actifs risqués, les emprunts gouvernementaux sont en état d’hibernation.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
05 janvier 2021, 22h12
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Alors que les actions et emprunts d’entreprises ont accumulé les gains en fin d’année, les obligations gouvernementales affichent des rendements inchangés au terme de l’ultime quinzaine de 2020. Le rendement du «T-Note US» à dix ans est stable, aux environs de 0,94%, alors que les actions enchaînent les records. Le Dow Jones, le S&P 500 et le Nasdaq ont tous terminé l’année sur des nouveaux sommets difficiles à réconcilier avec les crises sanitaire et économique qui ont frappé l’économie mondiale l’an passé.

L’explication la plus convaincante de ce paradoxe réside dans l’activisme sans précédent des banques centrales qui ont réussi à contenir la crise financière qui semblait se profiler à mi-mars, lorsque la plupart des segments du marché du crédit présentaient de graves dysfonctionnements. L’abaissement brutal des taux d’intérêt en dollars à 0%, plusieurs programmes ciblés et la mise en œuvre d’achats d’actifs potentiellement illimités en taille et en durée ont eu un impact miraculeux sur la confiance des investisseurs.

Par la suite, l’assouplissement des mesures de confinement très strictes instaurées lors de la première vague de Covid-19 a permis un fort rebond de l’activité économique qui s’est matérialisé durant le troisième trimestre. Les espoirs suscités par l’arrivée de plusieurs vaccins prometteurs ont permis aux investisseurs d’affronter plus sereinement la deuxième vague de Covid-19 qui a frappé les économies occidentales durant le quatrième trimestre.

L’issue des élections aux USA, dont le résultat est toujours contesté par un Donald Trump de plus en plus isolé, a aussi alimenté l’optimisme de Wall Street, car les Démocrates n’ont obtenu qu’une demi-victoire qui devrait réduire leur marge de manœuvre fiscale et réglementaire. A cet égard, le deuxième tour de scrutin en Géorgie de ce 5 janvier revêt une importance cruciale pour le contrôle du Sénat (avec 50 Sénateurs, la Vice-Présidente tranchera en cas d’égalité). Wall Street semble avoir escompté la réélection des Républicains, ce qui pourrait impliquer une légère déception si les Démocrates s’imposent. 

Un havre de paix (et d’ennui) obligataire

Nouveau plan de relance budgétaire à 900 milliards

L’actualité conjoncturelle est maigre, comme toujours en cette période de festivités. Le niveau des demandes d’indemnités de chômage, proche de 800.000 par semaine, traduit toujours un marché du travail affaibli. L’adoption d’un nouveau plan de relance budgétaire chiffré à 900 milliards de dollars, issu d’un compromis bipartisan tardivement ratifié par Donald Trump, apportera un soutien à la croissance par le biais de nouveaux paiements directs accordés aux ménages, d’une prolongation du droit aux indemnités de chômage et de diverses autres mesures. La principale raison de l’optimisme réside toutefois dans l’espoir que les campagnes de vaccination permettront de surmonter en 2021 la crise sanitaire qui continue à sévir en Europe et aux USA, sans épargner le Japon, la Corée du Sud et de nombreux pays émergents.

En Europe, les emprunts souverains présentent des rendements stables, toujours déprimés, alors que la crise sanitaire incite les gouvernements à maintenir de nombreuses contraintes. Le rendement du «Bund» allemand à dix ans s’établit juste au-dessus de -0,6%. La confiance à l’égard de la dette italienne est assez élevée, comme en témoigne un «spread» vis-à-vis des emprunts germaniques qui se maintient en-dessous de 1,1% (écart à 10 ans).

Plusieurs enquêtes font état d’une amélioration sensible du climat des affaires. A 55,2 en décembre, le Markit PMI consacré au secteur manufacturier est au plus haut depuis mai 2018. La situation est toutefois moins réjouissante du côté des services, davantage affectés par les contraintes sanitaires. Le redressement de la confiance des consommateurs mis en lumière par l’indicateur préliminaire de la Commission Européenne (-13,9 en décembre après -16,8 en novembre) constitue un symptôme réjouissant qui pourrait toutefois être remis en question par les développements sanitaires récents qui sont loin d’être enthousiasmants.

Les négociations commerciales entre l’UE et le Royaume-Uni ont enfin abouti. Les échanges commerciaux ont toutefois été temporairement entravés par l’émergence d’un «variant» du coronavirus qui soulève de nouvelles craintes que les investisseurs ont choisi d’ignorer en attendant de mieux cerner l’impact des campagnes de vaccinations qui peinent à décoller dans la plupart des pays occidentaux. Malgré le flot de critiques qui s’abat sur les autorités, les économistes et les investisseurs n’ont jamais escompté une résolution de la crise sanitaire avant le printemps prochain. Dans cette logique, l’euphorie qui caractérise actuellement les marchés financiers pourrait se prolonger. L’emballement spéculatif observé sur certains segments tels que les crypto-monnaies ou certaines valeurs technologiques plaident néanmoins pour des prises de profits et un recentrage vers des valeurs défensives. Sur le marché du crédit, les primes de risques ont poursuivi leur déclin pour atteindre des niveaux encore «décents» (1% en moyenne dans l’univers IG, 4% sur le segment HY), mais à peine suffisants pour se prémunir contre des mauvaises surprises.