Quand il s’agit d’évaluer les investissements, les trois angles d’approche les plus utilisés sont les valorisations, les facteurs techniques et les caractéristiques fondamentales, avec un rapport pouvant varier au cours d’un cycle de marché.
Sur les marchés des pays émergents (ME), après les pertes subies au début de l'année, les valorisations semblent attrayantes aujourd'hui.
Ces marchés restent toutefois sensibles aux facteurs techniques, notamment à la dynamique des opérations et aux changements de sentiment des investisseurs. Selon l'Emerging Portfolio Fund Research, cette année a été le cadre des pires sorties de fonds jamais enregistrées pour les ME, et ces pays restent vulnérables alors que la Fed et d'autres banques centrales relèvent leurs taux afin de lutter contre l'inflation sans provoquer de récession.
À mesure que les perspectives d'inflation et de politique monétaire s'éclaircissent, les ME pourraient se redresser. Les fondamentaux – qui portent sur la situation financière et la solvabilité d'une société ou d'un pays – peuvent alors devenir des facteurs de différenciation. Dans les ME, cela peut être déterminant pour les investisseurs, car les risques spécifiques à un pays peuvent s'amplifier plus rapidement et plus soudainement que les risques existant dans d'autres secteurs liés au crédit.
Par exemple, notre processus d'investissement s’appuie sur nos perspectives macroéconomiques, notre recherche interne sur les pays et le crédit. En outre, nous avons élaboré un cadre d’évaluation du «risque de trou noir» afin de déterminer les futures situations extrêmes, spécifiques à chaque pays, dans lesquelles une baisse de prix pourrait ne pas indiquer une opportunité d'achat, mais constituer une porte ouverte sur des baisses successives et une spirale gravitationnelle sans échappatoire.
Notre cadre d’évaluation sert à repérer à temps les pays à risque élevé – comme nous l’avons fait en 2020 pour le Sri Lanka, donc bien avant que le pays ne fasse défaut sur sa dette.
Une sélection méticuleuse des pays et des titres peut permettre d'éviter les perturbations telles qu’une dégradation de la cote de crédit, les troubles et changements politiques, l'imposition d’un contrôle des capitaux ou une défaillance de la dette souveraine. Notre cadre d’évaluation examine des facteurs tels que l'inflation, le PIB, les niveaux d'endettement et de déficit, les réserves de devises, les risques pour les entreprises et le secteur bancaire, ainsi que la disponibilité du financement extérieur.
Nous intégrons également des facteurs qualitatifs, notamment la politique, les scénarios électoraux, les revendications sociales et d'autres sources de risque latent comme le désalignement des taux de change, les engagements souverains implicites et les aspects géopolitiques. Il en résulte un tableau de bord d'indicateurs d'alerte précoce pour le risque de crédit souverain lié au fardeau de la dette, à la liquidité, aux déséquilibres financiers et aux variables qualitatives qui, en dernier lieu, pourraient conduire à des restructurations obligataires ou à une dévaluation de la monnaie.
Si l'on regarde le tableau actuel, la bonne nouvelle est que les fondamentaux des ME semblent globalement sains, mais ils pourraient se détériorer dans un certain nombre de pays.
L'identification des segments les plus à risque peut aider les investisseurs à prendre des décisions plus prudentes et défensives: dans un pays particulier, éviter par exemple de rechercher le rendement en prenant un risque de crédit supplémentaire. Notre cadre d’évaluation sert à repérer à temps les pays à risque élevé – comme nous l’avons fait en 2020 pour le Sri Lanka, donc bien avant que le pays ne fasse défaut sur sa dette.
Bien que les marchés frontières semblent offrir une grande valeur, les investisseurs doivent se montrer prudents, compte tenu du risque encouru.
Historiquement, les niveaux les plus bas des notations de crédit des ME ont connu des taux de défaillance supérieurs (12,2%) à ceux des obligations d'entreprises des marchés développés de notation similaire (9,3%), selon Moody's. Et les niveaux de notation de la dette des ME ont subi des abaissements périodiques plus marqués que la dette des entreprises américaines.
Il est souvent pertinent d'éviter l’excès de confiance vis-à-vis d'un pays particulier, car les circonstances techniques peuvent l'emporter sur les aspects fondamentaux. Sélectionner minutieusement les pays d’accueil des investissements, en tenant compte de l'échelonnement adéquat et des aspects techniques du marché, semble donc être une démarche particulièrement appropriée dans le contexte mondial actuel.