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Powell n’est pas Volcker

Le plan de route esquissé par le FOMC est loin de constituer une thérapie de choc, mais TINA s’estompe.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
22 mars 2022, 21h42
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Les marchés financiers sont souvent déroutants et imprévisibles. Wall Street vient ainsi d’enregistrer sa meilleure semaine depuis novembre 2020 malgré un contexte géopolitique délétère et un changement de cap monétaire visant à contenir un dérapage épique de l’inflation. Certes, Jerome Powell avait annoncé la couleur, si bien que le relèvement du taux d’intérêt des «Fed funds» de 0,25%, entre 0,25% et 0,5%, n’a surpris personne. 

Le communiqué du FOMC souligne la vigueur de l’activité et de l’emploi, tout en relevant les implications «stagflationnistes» de l’invasion russe en Ukraine. Alors que la croissance prévue en 2022 est révisée de 4,0% à 2,8%, l’inflation attendue passe de 2,6% à 4,3%. La médiane des projections préfigure un taux d’intérêt directeur relevé entre 1,75% et 2% à fin 2022, ce qui est compatible avec un relèvement de 0,25% à l’occasion des six réunions prévues jusqu’à la fin de l’année. Le graphique «dot plot» met toutefois en évidence les prédictions plus hostiles de plusieurs participants. Sept «faucons» envisagent un taux d’intérêt supérieur à 2% en fin d’année (un «outlier» allant jusqu’à 3,1%, probablement James Bullard qui s’est prononcé en faveur d’un relèvement de 0,5% la semaine passée). Ce cycle devrait se poursuivre en 2023, conduisant le taux des «Fed Funds» à 2,8%, avant un éventuel reflux à 2,4% à long terme.

Retour des taux d'intérêt réels positifs dès fin 2023

Le scénario esquissé par la Réserve Fédérale est loin de constituer une thérapie de choc, car les taux d’intérêt réels (déflatés par l’inflation sous-jacente) devraient rester amplement négatifs en 2022 avant d’atteindre 0,2% à fin 2023, puis 0,5% en 2024. On est loin du remède de cheval administré par Paul Volker, au début des années 80, quand les taux d’intérêt réels avaient dépassé 5%.

Powell n’est pas Volcker

La prudence de la Fed traduit une volonté de ne pas surréagir au dérapage marqué de l’inflation et à limiter les risques de récession. La retenue de la Reserve Fédérale est telle que le régime «TINA» reste d’actualité, même s’il s’est estompé sous l’effet du redressement des rendements obligataires et des primes de risque de crédit qui avoisinent désormais 1,4% en moyenne dans l’univers «Investment Grade» et 4,6% dans le segment «High Yield». En net repli depuis le début de l’année, les obligations d’entreprises font désormais figure d’alternative décente aux actions.

Une récession future jugée abusive

L’inversion insignifiante de la courbe des rendements en dollars entre 3 et 10 ans a conduit certains commentateurs à agiter le spectre d’une récession. Cet alarmisme semble abusif au regard de la physionomie de la structure des taux d’intérêt qui présente encore une pente positive au-delà de 10 ans. Un cycle de resserrement monétaire durable pourrait toutefois conduire à une inversion tangible, à l’horizon 2023. Dans cette perspective, il est raisonnable de compléter progressivement l’exposition aux emprunts à long terme pour se prémunir contre une éventuelle récession ou une escalade des tensions géopolitiques.

Le rebond des indices boursiers US confine à l’exubérance irrationnelle en l’absence du moindre apaisement militaire Ukraine et sans perspective probante d’issue diplomatique (à moins de spéculer sur une amputation du sud-est de l’Ukraine et l’imposition d’un statut de neutralité exigé par Vladimir Poutine). Le regain d’appétit pour les actions paraît précaire et invite à un recentrage vers les obligations et les secteurs défensifs.

Situation en Europe

En Europe, la Banque d’Angleterre a relevé son taux d’intérêt de base à 0,75%. Ce geste n’a pas empêché une légère décrue des rendements en livres sterling. La banque centrale estime que l’inflation culminera à 8% au deuxième trimestre, mais elle redoute les effets de la flambée des cours des matières premières sur la croissance et n’envisage qu’un «modeste» resserrement au cours des prochains mois. Les rendements en euros ont légèrement augmenté, mais on observe un déclin des «spreads» infligés à l’Italie. En Suisse, la BNS s’apprête à livrer un examen trimestriel qui pourrait préfigurer une prudente inflexion, dans le sillage de la BCE.