L’investiture de Donald Trump et la première semaine de son second mandat a donné lieu à un vacarme assourdissant qui a séduit Wall Street et les places boursières internationales… avant l’onde de choc déclenchée par l’émergence de DeepSeek. Sur le marché obligataire, la réaction à l’investiture de Donald Trump est plus mesurée. En l’absence de statistiques marquantes, la courbe des rendements en dollars s’est légèrement aplatie la semaine passée. Le rendement du T-Note à 10 ans a cédé une dizaine de points de base pour se rapprocher de 4,5%.
Parmi une centaine de décrets et d’annonces marquant une rupture totale avec l’administration Biden, on retiendra surtout un certain pragmatisme sur les questions commerciales, notamment à l’égard de la Chine. La menace de taxes à l’importation à hauteur de 60% évoquée durant la campagne s’est évaporée. La nouvelle administration semble s’acheminer vers des taxes plus modestes et ciblées, utilisées à des fins de négociation. Le Mexique et le Canada sont toujours confrontés à la menace de «tarifs» prohibitifs de 25% et l’Europe n’est évidemment pas à l’abri d’une guerre commerciale lancée par le tribun Trump, mais les premiers indices laissent entrevoir une retenue qui n’est pas pour déplaire aux investisseurs.
Délivrant son «pitch» à la grand-messe du libéralisme décomplexé et mondain de Davos, Donald Trump a évoqué la question des taux d’intérêt, aujourd’hui bien trop élevés à son goût. Dégainant un raisonnement simpliste liant l’inflation aux prix de l’énergie qui devraient baisser prochainement sous son impulsion, le «Potus» a déclaré qu’il demanderait à la Réserve fédérale (Fed) de procéder à une baisse immédiate des taux d’intérêt. Sans grande surprise, Donald Trump tentera d’influer sur la politique monétaire américaine et les tensions avec Jerome Powell sont vouées à s’intensifier dans un avenir proche, car la banque centrale a clairement manifesté son intention d’interrompre le cycle de baisses des taux amorcé en septembre passé. L’issue de la réunion du comité de politique monétaire (FOMC) des 28 et 29 janvier ne fait donc aucun doute: ce sera le statu quo.
Même si le FOMC devait se montrer aussi docile que les patrons de la tech américaine, ce qui est improbable, une banque centrale ne contrôle généralement qu’un petit segment de la structure des taux d’intérêt, à moins de recourir à une approche «quantitative» visant à contrôler l’ensemble de la courbe des rendements, à l’instar de la politique que la Banque du Japon opère depuis longtemps. En bref, une baisse des taux d’intérêt à long terme ne peut pas être décrétée par le président. Le niveau des rendements à moyen et long terme incombe aux forces en présence sur le marché, soit aux emprunteurs parmi lesquels le Trésor américain occupe une place centrale et aux épargnants soucieux de préserver leur pouvoir d’achat et de se prémunir face à l’incertitude associée aux placements à long terme en réclamant une «prime».
En Europe, les rendements en euros sont stables, malgré un léger reflux imputable au climat de panique engendré par l’émergence soudaine de DeepSeek, un concurrent chinois prometteur à ChatGPT. A la différence de la Fed, la Banque centrale européenne s’apprête à réduire de 3% à 2,75% son taux d’intérêt appliqués aux dépôts. L’actualité récente met en lumière un modeste redressement de la marche des affaires en Europe. La convergence des PMIs, en repli aux Etats-Unis et en hausse en Europe, invite à relativiser l’Exception US et la méfiance archi-consensuelle à l’égard des actions européennes.
Les rendements en livres sterling affichent une légère augmentation, en réaction à la persistance de l’inflation salariale au Royaume-Uni. En Suisse, l’avertissement du patron de la Banque nationale (BNS) Martin Schlegel, évoquant la possibilité d’un nouveau recours aux taux d’intérêt négatifs, n’a pas été entendu: les rendements en francs affichent une légère augmentation.