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«Malgré la situation particulière, nos activités sont en voie d’être profitables»

A la tête de Société Générale Private Banking Suisse depuis un peu plus d’un an, Franck Bonin vise la clientèle ultra-riche.

«Le groupe Société Générale en Suisse, dirigé par Anne Marion-Bouchacourt, nous comptons quelque 550 collaborateurs, dont 320 pour la banque privée»
G. Maillot
«Le groupe Société Générale en Suisse, dirigé par Anne Marion-Bouchacourt, nous comptons quelque 550 collaborateurs, dont 320 pour la banque privée»
01 décembre 2020, 21h00
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Franck Bonin dirige Société Générale Private Banking Suisse depuis septembre 2019. Dans sa première interview depuis sa prise de fonction, et une des rares de la banque depuis sa restructuration de 2016, le Français détaille sa stratégie pour rendre l’établissement de nouveau rentable.


Cette année est si particulière en raison de la pandémie. Pour le groupe Société Générale aussi. Ses affaires ont rebondi au 3e trimestre, après un début d’année dans le rouge vif. Comment Société Générale Private banking Suisse traverse-t-elle cette crise?

Dans cet environnement compliqué, l’année est pour nous tout à fait honorable. Les résultats devraient être équivalents à ceux de l’an passé en Suisse. La dynamique commerciale est restée solide. Les afflux de fonds s’affichent en hausse de 5%, contre un peu moins de 10% les années passées.

Au total, les activités de banque privée du groupe gèrent 119 milliards d’euros sur cinq plateformes en Europe, la Grande Bretagne, la France, le Luxembourg, Monaco et la Suisse. La banque privée de Société Générale opère dans 13 pays, avec au total 2500 collaborateurs. La Suisse réunit beaucoup d’avantages, la place demeure très attractive.


Votre masse sous gestion en Suisse s’élevait à un peu moins de 20 milliards de francs en 2016. Votre prédécesseur visait alors 5 à 10% de croissance par an. Où en êtes-vous ?

Nous communiquons désormais les chiffres au niveau de Société Générale Private Banking Europe, notre dispositif en Europe continentale qui rassemble le Luxembourg, la Suisse et Monaco. Le modèle d’affaires y est le même, et dans ce cadre gère un peu plus de 30 milliards d’euros d’actifs avec 600 collaborateurs.


Pourquoi communiquez-vous moins que par le passé ?

Nous souhaitons communiquer de façon cohérente avec notre organisation, donc à l’échelle de la banque privée européenne, placée sous la responsabilité d’Olivier Lecler (ndlr : le prédécesseur de Franck Bonin en Suisse).


Il y a quatre ans, la clientèle helvétique représentait 20% des actifs gérés en Suisse. Quels sont aujourd’hui vos principaux marchés ?

Notre marché cœur est celui d’une clientèle internationale UHNW qui souhaite diversifier géographiquement l’allocation de ses actifs, et se tourne vers la Suisse. En matière de développement, nous avons le Moyen-Orient, avec un projet d’implantation à Dubai, la Russie où Société Générale est la première banque étrangère du pays avec Rosbank, l’Amérique latine, via notre bureau de représentation à Montevideo, mais aussi la Grande-Bretagne et notamment la clientèle britannique dite «non domiciliée». J’ajoute bien sûr la clientèle résidentielle en Suisse, qui représente entre 25 et 30% des avoirs.


Avant la restructuration de 2016, votre établissement comptait quelque 420 employés. Quel est la taille de vos effectifs aujourd’hui?

Pour le groupe Société Générale en Suisse, dirigé par Anne Marion-Bouchacourt, nous comptons quelque 550 collaborateurs, dont 320 pour la banque privée. Au début des années 2000, notre barycentre se trouvait plutôt vers Zurich. Depuis quelques acquisitions à Genève et l’arrêt de nos activités de gestion de fortune à Lausanne en 2016, nous avons un axe plus genevois. Nous disposons toujours d’équipes commerciales à Zurich.


Lors de sa dernière enquête conjoncture, la fondation Genève place financière a montré que dans une majorité d’établissements le bénéfice état sous pression. Votre est banque sera-t-elle rentable cette année?

Malgré la situation particulière, nos activités sont en voie d’être profitables. Sur le plan de l’activité commerciale, nous sommes placés dans une bonne dynamique.


Votre présence en Suisse et en particulier à Genève n’est donc pas menacée…

Je vous rappelle que le Groupe est présent en Suisse depuis plus de 120 ans. Il s’agit d’un marché cœur pour la gestion de fortune pour tout le groupe Société Générale, et sur lequel nous avons envie de continuer à nous développer. La Suisse est la pierre angulaire de notre dispositif européen pour la banque privée. Nous serons donc là encore très longtemps! Et si nous pouvons être un acteur de la consolidation, nous ne nous en priverons pas.


Vous avez mentionné Dubaï. Quand pourriez-vous y être présent?

Nous étudions l’ouverture d’un bureau sur ce marché en fort développement. Cela pourrait être dans le courant de 2021. Ce bureau serait avant tout destiné à accompagner l’activité des tiers gérants, qui représentent environ 30% de nos activités en Suisse. C’est donc stratégique pour nous d’aider ces gestionnaires qui servent une clientèle ultra-riche, laquelle est aussi notre cœur cible.


La gestion de fortune devient numérique. Credit Suisse a lancé CSX, Flowbank vient de démarrer. Il y a bien sûr déjà Swissquote sans oublier les autres banques de gestion. Quel est votre positionnement ?

Nous sommes un acteur important dans l’innovation numérique, avec par exemple Boursorama (ndlr : Société Générale contrôle la totalité de la plateforme française depuis 2015) ou notre application. Pour la gestion de fortune, il est très important d’allier les deux mondes. C’est-à-dire de proposer un accompagnement numérique à nos services de banque privée caractérisés par un échange qui doit rester personnalisé et à haute valeur ajoutée.


La gestion de fortune uniquement en ligne considère le contact humain comme un coût et non une opportunité. J’y vois une forme d’incompatibilité avec les missions à forte valeur ajoutée que nous pouvons offrir. Cela fait 23 ans que je suis actif dans le «wealth management». Je constate très souvent que, pour des raisons personnelles complexes, les clients font des choix que l’on ne peut rentrer dans un algorithme.


Quels freins structurels ralentissent le développement de vos activités ? L’accès au marché européen?

La Suisse est une place très importante, très attractive pour les actifs, mais elle souffre de la difficulté d’accéder de manière libre au marché européen. Quand on voit avec quel sérieux elle traite les questions réglementaires, lutte contre le blanchiment d’argent ou contre le financement du terrorisme, il est dommage que la Suisse ne puisse mettre davantage en avant son expertise et sa solidité. Effectivement, c’est un frein pour la marche des affaires.


La gestion de fortune uniquement en ligne considère le contact humain comme un coût et non une opportunité.

Franck Bonin, CEO de Société Générale Private Banking Suisse

«Nous voulons sortir du charbon en 2030 en Europe»

Franck Bonin sur le positionnement de son établissement en matière de finance durable.


Les fonds durables suscitent un grand engouement. Selon la Haute Ecole de Lucerne leurs actifs ont progressé de 60% sur un an, à 316 milliards de francs. Quel est votre positionnement ?

Le groupe a opéré un virage très important avec l’adoption d’un plan stratégique 2016-2020 pour accompagner la transition énergétique, doté de plus de 100 milliards d’euros de financement, renouvelés jusqu’en 2023 avec cette fois un plan à 120 milliards. Nous voulons diminuer de plus de 10% notre exposition au secteur pétrolier et gazier avant 2025, sortir du charbon en 2030 en Europe et dans l’OCDE, en 2040 pour le reste du monde. C’est aussi indispensable pour donner à nos clients accès à la performance de demain. En Europe, la banque privée ambitionne de rendre 30% de ses actifs sous gestion totalement responsables (ISR) dès 2021. Un niveau que nous souhaitons augmenter par la suite.


Pourtant, d’après cette même étude, seule une minorité des fonds dits durables le sont réellement. Comment définissez-vous les vôtres?

Notre processus d’investissement comporte d’abord des critères d’exclusion, comme le tabac et l’armement. Ensuite vient la sélection des titres dans le respect de certains labels ISR. Troisième élément, le choix de sociétés qui ont un impact positif en matière de gouvernance, de transformation énergétique ou de social (critères ESG). Par exemple, nous étudions de très près la thématique de l’hydrogène, car elle peut avoir un véritable impact positif pour l’environnement. Par ailleurs, Dorothée Chapuis, la personne en charge de nos projets liés à la responsabilité sociale et environnementale pour nos trois plateformes, Suisse, Luxembourg et Monaco, est basée ici.


Pourquoi travaille-t-elle de Genève ?

La Suisse est un des pays les plus actifs en matière de durabilité. Beaucoup d’événements s’y tiennent, comme Building Bridges ou le GFSI à Genève, et de nombreux établissements sont actifs et innovants dans ce domaine. Il est donc naturel de placer cette activité ici.