Les marchés obligataires ont retrouvé une certaines stabilité après le repli sévère survenu en début d’année. Aux Etats-Unis, le rendement du T-Note à dix ans a légèrement reflué pour s’établir à 1,1%, malgré les grandes ambitions budgétaires affichées par Joe Biden qui accèdera à la Maison-Blanche mercredi 20 janvier. La courte majorité obtenue au Sénat après le second tour des élections en Géorgie devrait faciliter l’adoption d’un plan de relance plus généreux, au-delà des mesures totalisant 900 milliards de dollars approuvées fin décembre.
Le président-élu a dévoilé jeudi un nouveau plan nommé «American Rescue Plan» chiffré à 1900 milliards de dollars, qui prévoit un soutien accru aux ménages salariés (versement de 1400 dollars par personne), une implication plus importante du gouvernement fédéral dans la campagne de vaccination et une aide aux petites entreprises et aux indépendants. Le plan de soutien, résolument démocrate, entend apporter une aide accrue aux communautés les plus vulnérables qui ont amplement contribué à la victoire de Joe Biden.
Bien qu’elle ait reçu un grand éclairage médiatique, la seconde procédure de destitution lancée par la Chambre des représentant à l’encontre de Donald Trump indiffère Wall Street et les marchés financiers mondiaux. Les orientations politiques de la nouvelle administration, la situation sanitaire, la conjoncture et la mise à jour des projections dévoilée par les grandes entreprises importent davantage pour guider les investisseurs.
Les indicateurs récents mettent en lumière un ralentissement assez marqué de la croissance. Les ventes au détail affichent en décembre leur troisième baisse consécutive (-0,7% mensuel, +2,9% en glissement annuel), tandis que la dégradation du marché du travail est confirmée par le rebond des demandes d’indemnités de chômage (965.000 nouvelles sollicitations selon le dernier relevé hebdomadaire).
L’économie américaine est fragilisée par le Covid-19
A l’instar de l’Europe, l’économie américaine est fragilisée par le rebond de la pandémie de Covid-19, qui pourrait conduire à un recul temporaire du PIB au premier trimestre 2021. Les derniers chiffres font état d’une baisse des infections (aux environs de 200.000 par jour, après un pic à 250.000), mais la situation sanitaire demeure critique avec plus de 124.000 personnes hospitalisées en lien avec le coronavirus et plus de 3000 décès par jour. Ignorant cette réalité inconfortable, les marchés misent – assez gros – sur l’efficacité des campagnes de vaccination qui débutent laborieusement dans la plupart des économies occidentales et qui devraient permettre un vif rebond de la croissance en 2021, après un recul sévère en 2020.
Les valorisations actuelles placent très haut la barre des attentes, comme en témoigne la réaction mitigée de Wall Street aux bons résultats dévoilés la semaine passée par les grandes banques américaines (JP Morgan, Wells Fargo et Citigroup). L’optimisme archi-consensuel qui a dopé les actifs risqués durant le second semestre 2020 et les premières sessions de 2021 implique des risques de déception non négligeables si les vaccins ne tiennent par leur promesse et si la reprise attendue en 2021 ne se concrétise pas complétement.

Le rendement du «Bund» à dix ans a reflué à -0,55%
Les risques de déconvenue ne doivent toutefois pas occulter les bonnes nouvelles qui nous parviennent de Chine, où le rebond de l’activité s’est poursuivi au quatrième trimestre (2,6% par rapport au T3, 6,9% en glissement annuel), conduisant la croissance annuelle en 2020 à 2,3%. La Chine est ainsi la seule économie majeure affichant une croissance positive l’an passé, en contraste avec les contractions observées aux Etats-Unis (de l’ordre de -3,5%) et en Europe (aux environs de -7%).
En Europe, la structure des taux d’intérêt en euros est repartie à la baisse, en phase avec le marché des capitaux en dollars US. Le rendement du «Bund» allemand à dix ans a reflué à -0,55%, alors que le «BTP» italien est fragilisé par les troubles politiques qui pourraient conduire à la chute du gouvernement de coalition de Giuseppe Conte. L’actualité conjoncturelle et sanitaire est morne, en dépit du redressement de la production industrielle de la zone euro observé en novembre (2,5% mensuel, -0,6% en glissement annuel). La persistance de la pandémie de Covid-19 devrait continuer à plomber l’activité, dans l’attente d’une reprise largement tributaire de l’efficacité des vaccins.
Au Royaume-Uni, le système de santé est soumis à rude épreuve. L’activité est entravée par des restrictions sévères qui ont brisé l’élan de la reprise dès novembre (PIB mensuel en recul de 2,6% par rapport à octobre, le déclin atteint 9% en glissement annuel). Cette rechute semble vouée à se prolonger durant le premier trimestre en attendant que la campagne de vaccination porte ses éventuels fruits. Dans ce contexte incertain, dénué de risque d’inflation, les rendements en livres sterling restent sous pression. Un constat similaire s’applique aux rendements en francs suisses, en léger repli. Malgré un reflux significatif des infections et une pression amoindrie sur le système hospitalier, le Conseil fédéral vient d’instaurer un nouveau régime de semi-confinement visant à prévenir une nouvelle vague liée à la souche britannique. Comme ailleurs en Occident, la reprise attendra le printemps pour se matérialiser… peut-être.