La dernière réunion des stratégistes de l’Isag* a débouché sur de nombreux points de convergence, mais aussi sur des divergences de vues. Sur le plan macroéconomique, les stratégistes ont peu modifié leur scénario central, mais révisé leurs prévisions alternatives.
L’idée que l’inflation aux Etats-Unis puisse être plus persistante et ne permettre aucune baisse de taux en 2024 fait son chemin. Certains se demandent si l’on peut encore parler de cycle économique aux Etats-Unis. La croissance globale se révèle plus résiliente que ce qui avait été envisagé, mais cette agrégation cache une série de sous-cycles très divergents.
De façon générale, les secteurs sensibles aux taux d’intérêt ont déjà fortement ralenti, mais les services (50% de l’activité économique) ont adopté une vitesse de croisière assez constante. En Europe, cependant, le cycle se reconstruit après 18 mois de stagnation.
Concernant les actions, de façon générale, les participants sont impressionnés par les progressions de bénéfice extrêmement positives du dernier trimestre 2023 et du premier trimestre 2024. Cela conduit la grande majorité des participants à maintenir une position surpondérée en actions. En termes d’allocations géographiques, beaucoup d’établissements genevois ont mis à profit les mouvements de ces derniers mois pour basculer une partie de leur allocation des Etats-Unis vers l’Europe, justifiant ce mouvement par des valorisations plus attrayantes et des perspectives bénéficiaires en amélioration.
Concernant l’Europe, un certain nombre de participants ont diversifié leur exposition en introduisant une allocation au secteur des petites et moyennes capitalisations. L’idée sous-jacente est que ce segment est plus sensible aux conditions économiques intérieures et qu’il est valorisé de façon historiquement très favorable par rapport aux grandes capitalisations.
Les vues divergent concernant les taux d’intérêt et le crédit. Une partie des participants estime que la duration a perdu ses caractéristiques de diversification de portefeuille, et que le crédit est de façon générale valorisé à des spreads insuffisants. D’autres considèrent les niveaux de rendement actuels comme attrayants, particulièrement lorsqu’ils retiennent l’éventualité d’une baisse précipitée des taux par la Réserve fédérale (Fed) pour répondre à un choc externe (par exemple des difficultés de refinancement face au «mur de la dette» dans le secteur de l’immobilier commercial).
L’exception du franc
La position générale sur les grandes devises est neutre, considérant que l'ajustement par rapport aux différentiels d’intérêt a été fait (il est relevé que la mesure pertinente est le différentiel à terme dans un an). Seul le franc suisse fait exception. La capacité de la Banque nationale suisse (BNS) de baisser les taux est limitée, car on considère que des niveaux inférieurs à 1% sont peu probables hors récession. Puisque la marge de manœuvre des autres banques centrales est plus grande, le différentiel d’intérêt devrait soutenir la devise helvétique dans un contexte de baisse des taux mondiaux. Ceci d’autant plus que la BNS a récemment explicitement évoqué la possibilité d’utiliser la devise pour amortir une inflation plus forte qu’attendue.
Au sein des actifs de diversification, les participants retiennent toujours l’or. Même si la hausse des taux réels a constitué un vent contraire, le métal précieux restera soutenu par la demande des banques centrales des marchés émergents, en réactions à la politique de sanctions des Etats-Unis. Les CTA «trend followers» ont également fait une apparition dans certains portefeuilles dans une optique de diversification.
*L’Investment Strategist Association of Geneva (Isag) regroupe les CIO et économistes en chef d’une vingtaine d’établissements financiers basés en Suisse romande. «L’Agefi» publie chaque trimestre leurs vues d’investissement.