• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Les faucons migrent vers le continent européen

Le rebond des taux d’intérêt se poursuit tandis que les banquiers centraux multiplient les avertissements.

François Christen
One Swiss Bank à Genève
09 février 2022, 7h00
Partager

Soumis à de fortes turbulences depuis le début de l’année, les marchés obligataires avancés ont encore perdu de l’altitude au cours d’une semaine animée par les réunions de la Banque d’Angleterre et de la BCE. Le relèvement du taux d’intérêt de base de la banque centrale britannique de 0,25% à 0,5% était attendu, mais la volonté affichée par une large minorité de 4 contre 5 de relever le taux directeur d’un demi-pourcent a surpris. L’issue du vote suggère qu’il faut se préparer à un nouveau tour de vis monétaire le 17 mars. 

La Banque d’Angleterre a en outre décidé de commencer à réduire ses détentions d’emprunts du Trésor en cessant le réinvestissement de titres échus. Il en ira de même pour les emprunts d’entreprises, qui feront aussi l’objet de ventes afin de liquider le portefeuille d’ici à fin 2023. La Banque d’Angleterre a donc décidé de frapper plus vite et plus fort que la Réserve fédérale. La conférence de presse a néanmoins permis d’atténuer l’austérité du communiqué. Le gouverneur Andrew Bailey et ses collègues cherchent à contenir les anticipations d’inflation pour empêcher l’émergence d’une spirale «prix – salaire» encore inexistante à leurs yeux, mais ils n’ont pas signalé la perspective d’un cycle de resserrement de grande ampleur.

De côté de Frankfort, la réunion du Conseil des gouverneurs s’est conclue sur un communiqué plutôt amical, confirmant les perspectives de réduction graduelle des achats d’actifs consécutif à l’arrêt du PEPP entrepris au début de la pandémie. Sans surprise, la BCE n’a pas modifié ses taux d’intérêt directeurs fixés à -0,5% pour les dépôts et 0% pour l’opération de refinancement. Pour l’heure, la BCE n’envisage pas de réduire la taille de son bilan, car elle prévoit de réinvestir les avoirs échus du PEPP au moins jusqu’à fin 2024, et cela de manière flexible, au gré des conditions sur le marché des capitaux en euros.

Les faucons migrent vers le continent européen

Un virage rhétorique

Alors que les décisions immédiates sont bienveillantes, le communiqué et la conférence de presse ont mis en lumière des craintes grandissantes face à l’accélération de l’inflation qui a atteint en janvier un rythme annuel de 5,3% (2,3% hors énergie et alimentation). La BCE prédit un reflux de l’inflation, mais perçoit désormais des risques orientés à la hausse. Dans ce contexte, Christine Lagarde n’a pas écarté la possibilité d’un relèvement des taux d’intérêt avant la fin de l’année. Sur le marché monétaire, le scénario du statu quo qui se prolonge jusqu’à la fin de l’année est caduc: les futures sur l’euribor à 3 mois préfigurent désormais des taux d’intérêt monétaires supérieurs à zéro en fin d’année (0,125% à l’échéance décembre), ce qui implique un relèvement graduel des taux d’intérêt directeurs au second semestre (deux fois 0,25% pour le taux de dépôt?).

Le virage rhétorique de la BCE a entraîné de fortes tensions sur les taux d’intérêt en euros. Le rendement du Bund allemand à 10 ans est désormais supérieur à 0,2% alors qu’il s’établissait à -0,45% à fin décembre 2021. Malgré les annonces rassurantes quant au PEPP, on observe un élargissement des spreads entre Bund allemands et BTP italiens: la prime de risque à 10 ans a atteint 1,6% au plus haut depuis l’été 2020. Dans l’orbite du Bund, les emprunts de la Confédération ont faibli, conduisant le rendement à dix ans aux environs de 0,25%. Bien que la BNS ne soit pas confrontée à un grave problème d’inflation, elle pourrait emboîter le pas de ses consœurs.

Un relèvement d’un demi-pourcent de la Fed?

Aux Etats-Unis, le rendement du T-Note à 10 ans a atteint 1,92% et devrait prochainement franchir 2%. Le dernier rapport de l’emploi fait état de la création de 467.000 postes en janvier, bien au-delà des attentes refroidies par la vague Omicron. Le taux de chômage s’est toutefois redressé à 4,0% en raison d’une augmentation, bienvenue, du taux de participation. La progression soutenue du salaire moyen (0,7% mensuel, 5,7% en glissement annuel), devrait conforter le Fed dans sa volonté de relever les taux d’intérêt le mois prochain. A l’instar du MPC britannique, le FOMC devrait sérieusement envisager un relèvement d’un demi-pourcent.