Pour les banquiers centraux et le président de la Réserve fédérale américaine en particulier, la tâche est pour le moins ardue. Tenter de juguler l’inflation tout en maintenant l’emploi à un niveau maximum dans une économie dynamique en ayant recours à l’instrument brutal des taux d’intérêt est presque impossible.
Les questions importantes que doivent se poser les acteurs du marché sont: 1. La Fed a-t-elle les moyens de ses ambitions? 2. Jusqu’à quel point les taux devront-ils augmenter pour que la Fed atteigne son objectif? et 3. Quelles en seront les conséquences pour l’économie et les marchés financiers?
1. L’argumentaire selon lequel la Fed est bien partie pour maîtriser l’inflation est le suivant:
Presque toutes les banques centrales des principaux pays développés (et de nombreux émergents) resserrent leur politique monétaire. Le degré, la vitesse et l’ampleur de ce mouvement sont sans précédent.
Les indicateurs avancés montrent que le resserrement monétaire porte déjà ses fruits. Les prix des matières premières ont baissé de plus de 20% par rapport à leur pic. Les entrées en bourse et les émissions d’obligations d’entreprises à haut rendement sont au plus bas depuis 10 ans. Dans l’ensemble, les conditions financières aux Etats-Unis, mesurées par l’indice Goldman Sachs Financial Conditions, ont été durcies bien plus rapidement que lors des huit cycles de resserrement précédents. Tous se sont terminés par un fort ralentissement de la croissance et/ou une récession, et au final par un recul de l’inflation.
La demande des ménages est plombée par l’inflation et se détourne rapidement des biens. Cela se traduit par une accumulation de stocks chez de nombreux détaillants et par l’octroi probable de remises à court terme.
Les anticipations d’inflation restent bien ancrées. Même si elles sont supérieures aux plus bas atteints après la pandémie, elles sont proches de la moyenne à long terme. Récemment, les points morts d’inflation de long terme sur le marché des TIPS ont baissé de 0,50% à environ 2%. Les anticipations d’inflation s’autorenforcent en fonction des comportements des ménages, ce qui rend peu probable une spirale salaire-prix telle que nous l’avons connue dans les années 1970.
Sachant que les effets de la politique monétaire sur l’économie et plus encore sur l’inflation sont décalés dans le temps, la Fed conduit efficacement la politique monétaire en gardant les yeux rivés sur le rétroviseur. Si elle attend que l’inflation baisse considérablement, elle finira presque certainement par resserrer excessivement et par plonger l’économie dans la récession.
2. La deuxième question est plus délicate. La philosophie et le processus d’investissement orientés sur la valeur de TCW s’appuient sur l’idée qu’il est vain de chercher à prédire les plus hauts et les plus bas des marchés. Nous appliquons un processus méthodique qui consiste à renforcer la duration lorsque les taux montent, en gardant à l’esprit que les taux ont tendance à s’autocorriger et à revenir vers la moyenne à long terme. Nous avons progressivement augmenté nos durations juste au-dessus de l’indice en 2022 et continuerons de le faire si les taux montent encore. Même si nous ignorons quand les taux atteindront leur pic, les taux réels supérieurs à 1,5% et le resserrement rapide des conditions financières nous incitent à penser que nous sommes plus près de la fin du cycle que du début.
3. Compte tenu des arguments exposés ci-dessus, nous ne croyons pas au scénario d’un atterrissage en douceur de l’économie. S’y ajoutent le retrait des mesures de relance après la pandémie et les difficultés économiques que rencontrent bon nombre de nos principaux partenaires commerciaux en Europe et la Chine. Nous avons donc toutes les raisons de penser que le seul scénario plausible est celui d’une récession aux Etats-Unis en 2023.