Les investisseurs obligataires privilégient le risque. Ils craignent une inflation plus importante qu’elle n’a été depuis la Grande Crise Financière. Et ils constatent une volonté sans précédent des banques centrales de maintenir les taux d’intérêt à des niveaux très bas. Les fonds obligataires les plus risqués et offrant des rendements supérieurs recueillent ainsi une masse de capitaux. «Les fonds obligataires à haut rendement ont enregistré les afflux nets sur un an les plus importants depuis que Lipper a commencé à suivre les flux hebdomadaires en 1992», souligne un analyste de Lipper Refinitiv.
Ces derniers ont collecté plus de 44 milliards de dollars jusqu’ici cette année. «On sent que les investisseurs sont prêts à remettre du risque dans la manche obligataire de leur portefeuille», poursuit Tom Roseen. Il est permis de penser que cet ajustement se fasse au détriment des fonds détenant les obligations les moins risquées, telles que les obligations d’État. En termes de performances absolues, adopter ce biais paraît aller de soi.
Cependant, lorsque l’on établit la relation entre le rendement et le risque associé à n’importe quel actif, ce que fait le ratio de Sharpe, le processus de décision d’investissement se complique. Il est certes logique de s’attendre à ce que, par exemple, une obligation d’un pays émergent sud-américain affiche une plus grande amplitude de variation de cours – c’est-à-dire une plus grande volatilité – qu’une obligation émise par la Confédération. Mais, dans la réalité, un actif risqué ne produit pas toujours un ratio de Sharpe élevé.
Autrement dit, une unité de volatilité d’un actif risqué ne génère pas nécessairement un rendement par unité de risque plus élevé qu’un placement sûr. Lorsque cette volatilité ne se traduit pas par des rendements supérieurs, le couple risque-rendement de l’actif considéré n’est pas favorable. En règle générale, un fonds dont le ratio de Sharpe est inférieur à 1 signifie qu’un placement sans risque est préférable sur la période considérée.
Prenons l’exemple du fonds Allianz Euro Bond A EUR. Sa performance annualisée sur trois ans est de 2,95% (à fin novembre 2020), d’après les données Morningstar. Ce fonds est composé à un peu plus de 50% d’obligations d’État de qualité. Celles dont le marché estime actuellement qu’elles ont le moins de chance de s’apprécier en raison des politiques monétaires ultra-accommodantes.

Les banques centrales compliquent tout
L’ETF SPDR Bloomberg Barclays Euro Aggregate TR, qui réplique les obligations notées investment-grade, enregistre une performance annualisée de 4,40% sur trois ans. Sans prendre en compte le risque, la surperformance semble évidente. Mais ces deux produits présentent des couples risque-rendement surprenants. En effet, en dépit de la sous-performance du fonds activement géré d’Allianz, son ratio de Sharpe est proche de 1 (0,91). Et sa volatilité, comme l’illustre le tableau, est bien inférieure à la celle de l’ETF.
Également géré activement, le fonds d’obligation d’entreprises européennes de BlackRock, l’Euro Corporate Bond Fund A1 EUR, enregistre une performance annualisée de 2,37%, d’après les données Morningstar, pour un ratio de Sharpe de 0,55 et une volatilité de 5,22%. Quant au fonds d’obligations mondiales BNY Mellon Global Bond Fund EUR A, sa performance annualisée sur cette période est de 3,64% pour un ratio de Sharpe de 0,85, proche de celui du fonds Allianz Euro Bond A EUR. Mais, pour l’un et l’autre fonds, les choses ne sont pas faciles en termes de gestion.
«Dans un environnement de faibles taux qui a prévalu depuis la crise financière mondiale, le fonds BNY Mellon Global Bond Fund EUR A a eu du mal à atteindre son objectif de performance de 100 points de base par rapport à l’indice JP Morgan Global Government Bond», observent les analystes de Morningstar dans leur note du 4 décembre. «Le gérant Paul Brain, responsable des titres à revenu fixe de Newton, attribue le manque de dispersion et, par conséquent, les opportunités limitées sur les marchés développés des obligations d’État à la politique monétaire accommodante sans précédent de la plupart des grandes banques centrales», précise l’analyste de l’agence de notation de fonds.