En apprenant que la présidence de la COP28 est assumée par les Emirats arabes unis, des sourcils se sont levés. Sans doute les mêmes sourcils qui se sont levés lorsqu’EDF a émis, le 28 novembre, la première obligation verte liée au financement… de son parc nucléaire existant.
Tout est en adéquation avec la réglementation puisque ces investissements sont alignés avec la taxonomie européenne. L’enthousiasme du marché était au rendez-vous: 3,3 milliards d’euros de carnets d’ordres pour un emprunt initialement prévu de 750 millions d’euros. Avec une prime de risque initiale de +75 points de base, l’espace pour resserrer les conditions était limité, mais EDF est parvenu à la réduire à 73 points de base et à augmenter la taille de l’emprunt à 1 milliard d’euros. En moins d’une semaine, le prix de l’obligation s’est apprécié de plus de 1%. Négligeable? Pas vraiment, surtout pour une maturité courte de 3,5 années. Le mouvement généralisé de compression des primes de risques lui a bien sûr été favorable, mais celui du rallye des rendements obligataires sans risque encore plus. En moins d’une semaine, le rendement de l’emprunt est passé de 3,83% à 3,51%.
Cet exemple est parlant à plusieurs niveaux. Il nous montre à quel point les marchés obligataires ont le vent en poupe depuis ces dernières semaines, mais également que l’appétit des investisseurs reste fort, que la dette soit durable ou non. Il est l’un des nombreux exemples qui illustre la solide activité du marché primaire des obligations vertes en novembre, le second mois le plus actif cette année avec 57 milliards de dollars de nouveaux emprunts. Il s’agit également du second mois de novembre le plus actif depuis la création de ce marché en 2007. Malgré ces records, le marché de la dette ESG terminera, selon une analyse de Barclays, légèrement en dessous des volumes émis en 2022. 2024 est attendue en ligne avec ces deux dernières années, soit 825 milliards de dollars pour la dette ESG globale.
A quoi cette stagnation est-elle due? La tendance en provenance des Etats-Unis, due entre autres à des différences réglementaires et politiques, n’y est pas étrangère. Selon les prévisions de Goldman Sachs, les sociétés américaines devraient avoir émis en 2023 la moitié de ce qu’elles avaient émis l’année précédente en terme d’obligations ESG. D’autres prennent le relais, sur fonds de COP28, les pays africains comme le Kenya et la Tanzanie manifestent leurs ambitions à émettre de la dette ESG, le continent asiatique est également actif, tout comme le sud-américain. Il serait toutefois faux d’imaginer que les Etats-Unis sont totalement réfractaires, puisqu’ils viennent de s’engager à verser 3 milliards de dollars dans le Fonds vert pour le climat.
Dans ce marché en constante évolution, il ne faut jamais présager de rien. Qui aurait parié il y a encore quelques années que l’énergie nucléaire ferait un retour en force, allant même jusqu’à entrer dans les projets éligibles pour émettre des obligations vertes? Sur la voie de la décarbonisation, il faut accepter que rien n’est parfait, qu’il n’y a pas une seule réponse et que parfois choisir entre la peste et le choléra est nécessaire et dépend finalement des sensibilités de chacun.