L’actualité macroéconomique récente a eu raison des espoirs de «pivot» de la Réserve fédérale américaine qui ont alimenté l’exubérance des marchés financiers en janvier 2023. Le décalage entre les prévisions de la banque centrale et les attentes reflétées par la structure des taux d’intérêt en dollars s’est totalement résorbé après la publication de plusieurs indicateurs soulignant la fermeté de la conjoncture et l’inertie problématique de l’inflation aux Etats-Unis.
Certes, le renchérissement annuel a poursuivi son reflux pour s’établir à 6,4% en janvier après 6,5% en décembre, mais la progression mensuelle de l’indice global (0,5%) et de l’indice excluant l’énergie et l’alimentation (0,4%) n’est toujours pas conforme aux visées de la Fed. Il faut toutefois relever l’influence prépondérante des prix du logement qui présentent un caractère «retardé» sur l’évolution des prix en général. En amont, les prix à la production affichent une progression mensuelle de 0,7% (0,5% hors énergie et alimentation) incompatible avec l’objectif des banquiers centraux.
Les indicateurs d’activité sont bien orientés et loin de valider les craintes de récession. Les ventes au détail ont bondi de 3% en janvier. Le rebond de la production manufacturière (en hausse de 1% en janvier) et de l’indice NAHB (42 en février après 35 en janvier) traduisent une fermeté persistante de la conjoncture. En bref, les nouvelles récentes apportent davantage de crédibilité au scénario esquissé par Jerome Powell et ses collègues du FOMC quand ils évoquent des taux d’intérêt monétaires relevés et maintenus durablement au-dessus de 5% pour rétablir la stabilité des prix.
La quinzaine écoulée se solde par une augmentation significative des rendements en dollars à toutes les échéances. Proche de 4% à mi-janvier, le rendement du T-Note à 2 ans a culminé à 4,7% vendredi passé. Le rendement du T-Note à 10 ans a atteint 3,9%, bien loin du niveau de 3,35% entrevu à fin janvier. Cette correction efface une grande partie des gains substantiels engrangés en janvier et pourrait constituer un «point d’entrée» assez attrayant pour les investisseurs qui désirent renforcer leur allocation obligataire et se prémunir contre des risques de récession qui pourraient se matérialiser plus tard.

Le marché des capitaux en euros n’a pas été épargné par l’onde de choc en provenance des Etats-Unis. Le rendement du Bund allemand à 10 ans a franchi 2,5% avant de refluer aux environs de 2,4%. Les tensions sont encore plus vives sur les échéances courtes qui intègrent la perspective de taux d’intérêt monétaires culminant aux environs de 3,75 % à la fin de l’été. La maigre actualité économique n’est pas de nature à remettre en question le relèvement de taux d’intérêt de 0,5 point de pourcentage escompté le 16 mars. Au Royaume-Uni, le rebond des ventes au détail en janvier et l’accélération de l’inflation salariale pourraient inciter la Banque d’Angleterre à maintenir un cap restrictif plus longtemps que prévu, ce qui a généré de vives tensions sur la courbe des rendements en livres sterling. Les dégâts sont moindres sur le marché helvétique grâce au comportement sage de l’inflation en Suisse (3,3% annuel, 2,2% hors énergie et alimentation en janvier).
Sur le marché du crédit, les primes de risques ont légèrement augmenté sans toutefois remettre en question la spectaculaire décrue observée depuis fin septembre. Cette sérénité, qui se manifeste aussi sur le marché des actions, traduit l’espoir persistant mais fragile d’assister à un atterrissage en douceur des économies occidentales en dépit des difficultés de la manœuvre tentée par les banques centrales.