Le redressement des rendements à moyen et long terme en dollars s’est accentué la semaine passée, conduisant le rendement du T-Note US à dix ans aux environs de 1,6%. Dans l’absolu, ce niveau de taux d’intérêt prête à sourire au regard des normes historiques, mais la rapidité et l’ampleur du mouvement infirme le «consensus» qui tablait sur une augmentation graduelle et harmonieusement orchestrée par la Réserve fédérale.
Ce scénario a toutefois été remis en question par le succès électoral des Démocrates qui ont repris le contrôle du Sénat à une marge infime. Le plan de relance budgétaire chiffré à 1900 milliards de dollars approuvé samedi par les sénateurs et qui pourrait entrer en force avant la fin de cette semaine. Ce plan généreux viendra accroître le revenu disponible des consommateurs qui se verront octroyés de nouveaux subsides.
Le rebond des taux américains est justifié
L’optimisme suscité par les vaccins contre le Covid-19 et le renforcement de l’activité économique observé dès le troisième trimestre justifient, dans une certaine mesure, le rebond des taux d’intérêt observé depuis quelques mois. Le changement de paradigme monétaire annoncé par la Réserve fédérale a aussi joué un rôle dans le redressement des anticipations d’inflation aux environs de 2%.
Confronté à des tensions et une volatilité déroutante des taux d’intérêt, Wall Street espérait un geste de la part de la Fed. Convié jeudi passé par le Wall Street Journal, Jerome Powell n’a exprimé aucune volonté de contenir le redressement des taux d’intérêt à long terme. Le président de la Fed a certes réaffirmé la nécessité de maintenir un cap stimulant, mais il n’a évoqué aucune mesure concrète visant à renverser l’augmentation des rendements qui affecte les emprunts du Trésor et, par extension, les emprunts d’entreprises ainsi que les taux d’intérêt hypothécaires qui viennent de franchir 3 % pour les prêts à trente ans.
9,5 millions de postes de moins qu’en février 2020
L’actualité conjoncturelle récente est assez souriante. L’embauche s’est révélée plus forte que prévue avec 379.000 postes créés en février. La baisse du taux de chômage, de 6,3% à 6,2%, est peu significative, mais la création de 465.000 dans le secteur privé est réjouissante. Malgré ce rebond, le choc provoqué par la crise sanitaire est loin d’être comblé : les Etats-Unis comptent 9,5 millions de postes de travail de moins qu’en février 2020, à l’aube de la crise sanitaire, ce qui justifie amplement la posture accommodante de la Réserve fédérale. Le repli de l’indice ISM consacré aux secteurs non manufacturiers (55,3 en février après 58,7 en janvier) devrait être temporaire si l’embellie observée sur le front de la pandémie de Covid-19 se confirme.
Le reflux des décès laisse entrevoir un assouplissement des contraintes qui devrait doper la croissance à partir du deuxième trimestre et potentiellement attiser les tensions obligataires. Il est toutefois prématuré d’agiter le spectre du grand retour de l’inflation même si le rebond des prix des matières premières préfigure un dérapage temporaire.

Le Bund à 10 ans retrouve son niveau pré-crise
En Europe, les taux d’intérêt en euro sont soumis à des tensions plus modérées qu’aux Etats-Unis. Le rendement du Bund allemand à dix ans s’est néanmoins redressé aux environs de -0,3%, soit le niveau qui prévalait avant la crise sanitaire. L’actualité conjoncturelle est mitigée. Les contraintes sanitaires ont entraîné une chute sévère des ventes au détail à l’échelle de la zone euro en janvier (-5,9% mensuel, -6,4% en glissement annuel). On perçoit un décalage persistant entre l’expansion de l’activité manufacturière (PMI à 57,9 en février) et la faiblesse du secteur des services (PMI à 45,7) davantage affecté par les restrictions.
Le recul du franc favorise la hausse de l’inflation
Hors zone euro, les taux d’intérêt en livres sterling et en francs n’ont guère varié. Le reflux de l’épidémie a ouvert la voie à un assouplissement des contraintes au Royaume-Uni où on perçoit déjà des signes de reprise. En Suisse, la situation sanitaire demeure précaire, comme en Allemagne et en France, et continue à entraver l’activité. Le repli significatif du franc face au dollar et à l’euro ne devrait pas déplaire à la BNS.
Cette dépréciation devrait favoriser un retour de l’inflation en territoire positif, sachant que l’indice des prix à la consommation affichait en février une baisse de 0,5 % en glissement annuel.
Confrontée à des pressions déflationnistes persistantes, la banque centrale helvétique semble vouée à maintenir un cap accommodant à l’occasion de la réunion du 25 mars prochain.