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La déferlante GameStop pourrait-elle toucher la Suisse?

Avec une force de frappe inouïe, une armada de petits porteurs a renversé la vapeur d’un titre du marché américain, jusque-là chasse gardée des vendeurs à découvert. Un tel phénomène est peu probable en Europe.

D’environ 20 dollars en début d’années à 469 dollars à son plus haut cours jeudi, l'action de la chaîne américaine de magasins de jeux vidéo GameStop flambe et cristallise la défiance des néo-investisseurs envers Wall Street.
Keystone
D’environ 20 dollars en début d’années à 469 dollars à son plus haut cours jeudi, l'action de la chaîne américaine de magasins de jeux vidéo GameStop flambe et cristallise la défiance des néo-investisseurs envers Wall Street.
28 janvier 2021, 21h45
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Revanche démocratique des petits actionnaires ou dangereuse absurdité boursière, la saga GameStop ne laisse aucun investisseur indifférent, pas même en Suisse. «Cette histoire retentit comme un signal d’alarme pour la finance déconnectée de la réalité», assure Jérémi Lepetit, cofondateur de la start-up genevoise Retreeb, une fintech développant un nouveau système de paiement.

«Les fonds d’investissement et les fonds spéculatifs à travers le globe sont en train de vérifier leurs positions touchant à l’univers du jeu vidéo», poursuit l’entrepreneur. «Une armée de stagiaires scrute probablement les conversations des communautés en ligne.» Leur objectif: éviter de se retrouver dans la même situation que le hedge fund Melvin Capital et le site de commentaire financier Citron Research. Ils enterraient la chaîne américaine de magasins de jeux vidéo GameStop en jouant le titre à la baisse, mais c’était sans compter la mobilisation d’une armada de petits investisseurs communiquant sur les plateformes Reddit, Discord ou Telegram. 

La déferlante GameStop pourrait-elle toucher la Suisse?

Ce phénomène – qui a propulsé l’action GME d’environ 20 dollars en début d’année à 469 dollars à son plus haut cours jeudi – pourrait-il se produire en terres helvétiques? Pour Eugen Stamm, auteur de la newsletter Next-Generation Wealth, c’est impossible. «La plupart des actions ciblées par ces internautes sont celles d’entreprises cotées aux Etats-Unis.» Outre GameStop, les titres actuellement dans leur viseur sont ceux des magasins d’électronique Best Buy, des salles de cinéma AMC et du fabricant BlackBerry. «Des outsiders avec un capital de sympathie, qui sont sous pression des géants du numérique», explique le journaliste financier, travaillant aussi pour une firme de capital-risque zougoise. Il voit mal comment cette communauté, catalysée par le canal WallStreetBets de Reddit, pourrait s’intéresser à une action suisse hors de son radar. «Ils ont assez de cibles potentielles chez eux.»

Un point de vue partagé en partie par Charles-Henry Monchau, directeur des investissements (CIO) de la banque en ligne FlowBank, lancée en novembre. Cet analyste ne croit pas qu’un titre européen puisse vivre une telle histoire, «simplement car il y a moins d’appétence pour les shorts (ndlr: les ventes à découvert qui misent sur la baisse du titre) sur nos marchés». En Suisse, seul le titre du groupe Zur Rose est ainsi véritablement concerné par une position vendeuse, à hauteur de 12%. Charles-Henry Monchau ajoute qu’aucune communauté équivalente ne s’est construite en Europe. «En l’absence de ces forums structurés, il n’y a pas de moteur pour un tel emballement.» Mais il nuance son propos, car une branche pourrait être touchée: les American Depositary Receipt (ADR), des actions de sociétés non américaines cotées aux Etats-Unis. A l’exemple de celle de Nokia qui a vécu une folle course spéculative mercredi et qui, elle aussi, figurait en bonne position sur WallStreetBets. «En l’espace d’une journée, un cinquième du total de ses actions s’est échangé, soit 3500% du volume habituel de Nokia», souligne le CIO de FlowBank qui voit les ADR comme un véritable pont entre les marchés américains et européens. 

Un exemple de Tweet, issu d'un compte non-officiel, illustrant la volonté de la communauté de lancer des opérations similaires sur d'autres titres.
Un exemple de Tweet, issu d'un compte non-officiel, illustrant la volonté de la communauté de lancer des opérations similaires sur d'autres titres.

Et si demain un hedge fund suisse vend à découvert (short) une valeur technologique chère à cette communauté? «Il sera alors très exposé, même en Suisse, car ces coalitions en ligne ne connaissent pas de frontière», prévient Jérémi Lepetit de Retreeb. Et d’ajouter qu’au-delà d’une surprenante histoire, la tempête autour de GameStop «marquera l’industrie financière au fer rouge». Ce précédent pourrait bien pousser les hedge funds à davantage de prudence. Et s’ils continueront bien évidemment de parier sur la chute d’entreprises en mauvaise posture, «car c’est leur job», shorter deviendra «de plus en plus cher», estime Eugen Stamm.

Les néo-investisseurs qui ont initié le mouvement autour de GameStop incarnent un mouvement de démocratisation de l’investissement salué par de nombreux analystes. «Pour une fois, Main Street a gagné contre Wall Street», se réjouit Charles-Henry Monchau qui lance néanmoins un avertissement: «Ce type de comportement de boursicoteurs est souvent observé à la fin des booms.» De quoi stresser les marchés, voire de les déséquilibrer. D’ailleurs, plusieurs indices ont baissé ces derniers jours, à mesure de l’envol des titres préférés de cette nouvelle génération de communauté financière.


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