Le risque inflationniste a fini par éclipser les tourments causés par la pandémie de Covid-19 et l’inquiétude du marché se concentre désormais sur la réaction des banques centrales. Jusqu’ici, le message de la plupart d’entre elles est que l’inflation est transitoire et qu’il n’y aura pas de resserrement prématuré. Mais les difficultés d’approvisionnement et les hausses des prix des matières premières rendent toujours plus difficile l’emploi du terme «transitoire», au point que certaines banques centrales commencent à ressentir le besoin d’agir.
C’est le cas de la Banque d’Angleterre (BoE) qui a opéré un tournant particulièrement restrictif ces derniers temps, alors même que le gouvernement resserre sa politique budgétaire. En ouvrant la porte à une éventuelle hausse des taux d’ici la fin de l’année, elle risque de se mettre dans une position délicate. Ceci car la Fed, qui généralement donne le ton en matière d’orientation globale des taux d’intérêt, semble moins pressée de freiner la relance. M. Powell procédera probablement à une réduction progressive du programme d’achats obligataires d’ici la fin de l’année mais aucune hausse des taux d’intérêt ne devrait avoir lieu avant fin 2022 ou début 2023.
Pas de hausse des taux
Quant à la BCE et la Banque du Japon, toutes deux demeurent en mode de relance et n’envisagent pas de hausse des taux ces prochaines années. Il en ressort que la BoE n’est pas à l’abris d’une erreur de politique monétaire. Ce serait le cas dans un scénario d’essoufflement de reprise suite à un ralentissement en Chine ou d’une hausse des prix de l’énergie qui finirait par anéantir la demande. Une grande partie de l’effort de relance serait alors sapée et redémarrer la machine deviendrait plus compliqué.
Panique irrationnelle
Certains économistes parlent de panique irrationnelle. Selon eux, la BoE a perdu sa foi en une inflation purement transitoire et a précipitamment capitulé. Mais relever les taux ne baissera pas le prix du gaz naturel, ne formera pas plus de routiers ni ne produira plus de puces électroniques. Si l’inflation plus élevée vient d’abord d’un choc du côté de l’offre, pourquoi répondre en fragilisant davantage la demande? Lutter contre l’inflation n’est peut-être pas le bon choix.
Quoi qu’il en soit, l’évolution des emprunts souverains anglais confirme que le premier mouvement de tout cycle de taux d’intérêt doit être traité avec le plus grand soin. Lorsque les intervenants du marché sont confrontés à un changement soudain des anticipations de taux, ils s’empressent de diminuer leur exposition. Les répercussions sont sans appel. De fin juillet au 12 octobre, l’indice Barclays des obligations du Trésor britannique a chuté de 5,62%, contre -2,75% pour la dette souveraine allemande, -1,49% pour les emprunts américains et -0,58% pour l’indice obligataire japonais. Sur la même période, le rendement à 2 ans est passé de 0,06% à 0,55%, soit une hausse supérieure à 9 fois. Le rendement du 10 ans a doublé pour atteindre 1,14%. Une sanction sans équivoque de la communication du changement de cap de la Banque d’Angleterre.