Les banques centrales ont réduit leurs taux à des niveaux records et injecté des liquidités massives pour soutenir leurs économies. Mais avec la réouverture de ces dernières, la reprise de l’activité et les menaces inflationnistes, un certain nombre d’entre elles s’interrogent sur la nécessité de resserrer leur politique monétaire. Les marchés se préparent aux futures hausses des taux directeurs ici et là. Ce faisant, ils mènent en quelque sorte la vie dure à certaines autorités monétaires qui s’efforcent de convaincre que ces anticipations vont parfois plus vite que la musique.
C’est le cas du gouverneur de la banque centrale d’Australie (RBA), M. Philip Lowe. M. Lowe a récemment exprimé son désaccord avec le marché des dérivés qui signale une hausse des taux dès la fin 2022. Il considère ce calendrier prématuré à plus forte raison que les objectifs de salaires et d’inflation sont loin d’être atteints. Le gouverneur a également contesté l’argument favorisant des taux d’intérêts plus élevés afin de freiner la forte croissance des prix immobiliers. Ces commentaires visent à souligner l’orientation politique de la RBA selon laquelle les taux d’intérêts ne seront pas relevés avant 2024 au plus tôt. Ils confirment également l’intention de l’institut monétaire d’être l’un des derniers à relever ses taux d’intérêts.
Malgré la flambée des prix immobiliers, supposée dépasser les 20% en 2021, M. Lowe a campé sur ses positions en rappelant que la banque centrale ne cible pas les prix des actifs et ne compte donc pas intervenir sur ses taux pour ralentir le marché immobilier. Selon lui, un renchérissement du coût de l’argent entraînerait certes une baisse des prix mais impliquerait aussi une diminution de l’emploi ainsi qu’une croissance plus faible des salaires. C’est pourquoi il estime, qu’au vu des circonstances, il s’agirait là d’un mauvais compromis et que la voie à privilégier, en cas de besoin, serait plutôt celle de la mise en place de mesures réglementaire par le Conseil des régulateurs financiers.
Le 7 septembre, la RBA a poursuivi la réduction de son programme d’achats d’obligations, reflétant sa confiance dans les perspectives de reprise économique une fois la nouvelle vague de cas de Covid calmée. Les achats hebdomadaires ont été abaissés à 4 milliards, contre 5 milliards auparavant, et la durée rallongée jusqu’à mi-février 2022. La potentielle réduction du montant, initialement prévue à mi-novembre n’aura donc pas lieu. La prolongation a en effet été jugée opportune en raison du caractère tardif de la reprise économique et de l’incertitude accrue résultant de la variante delta. Au final, moins d’achats pour plus longtemps équivaut à «ménager la chèvre et le chou». La RBA, comme d’autres banques centrales, doit à présent relever le défi de diminuer progressivement son support à l’économie tout en préservant les marchés obligataires. M. Lowe, comme ses pairs, va devoir jongler entre optimisme et incertitude. La clé du succès réside plus que jamais dans la capacité à convaincre les investisseurs que la normalisation se fera de manière ordonnée.