François Christen
One Swiss Bank à Genève
27 octobre 2020, 18h07
Partager
La quinzaine écoulée a été le théâtre d’une divergence entre les obligations en dollars, qui présentent des rendements en légère augmentation, et les emprunts en euros dont les rendements sont plombés par l’inquiétante «deuxième vague» de Covid-19 qui se développe actuellement en Europe.
Aux USA, la proximité des élections occulte partiellement l’actualité économique et sanitaire. La première est plutôt souriante si l’on se fie aux indicateurs récents qui mettent en lumière une embellie persistante sur le marché du travail où l’on observe une décrue des demandes d’indemnités de chômage (787.000 selon le dernier relevé hebdomadaire pour un nombre total de bénéficiaires tombé à 8,4 millions après avoir culminé aux environs de 25 millions le printemps passé).
La progression des ventes au détail en septembre (1,9% mensuel, 5,4% en glissement annuel) constitue aussi un symptôme de reprise probant en dépit de l’incapacité des parlementaires républicains et démocrates à s’accorder sur une extension des mesures de relance budgétaire mises en œuvre pour répondre à la crise sanitaire. La timide amélioration de la confiance des consommateurs (81,2 en octobre après 80,4 en septembre) ne préfigure aucune rupture, bien que la dernière enquête de l’Université de Michigan traduise une dégradation de conditions courantes compensée par un regain d’optimisme (anticipations post-électorales?).
Le secteur immobilier se porte bien selon l’indice NAHB (en hausse de 2 points, à 85 en octobre) et les premières estimations des PMIs traduisent un léger renforcement de la marche des affaires en octobre, notamment du côté des services (56 après 54,6). En hausse de 106,5 en août à 107,2 en septembre, l’indicateur avancé du Conference Board suggère que la reprise de l’activité se poursuivra au quatrième trimestre.
Incertitudes sur le contrôle du Sénat par les démocrates
Quant à l’échéance électorale du 3 novembre, les sondages donnent toujours Joe Biden gagnant avec une avance assez confortable (huit points de pourcentage en moyenne). Un retournement de dernière minute ou une erreur massive et généralisée des sondeurs n’est pas exclue, mais peu probable. La cote d’approbation de Donald Trump, proche de 44%, ne semble pas assez élevée pour conduire à un second mandat. En outre, le président actuel est mené dans la plupart de «swing states». La capacité des démocrates à reprendre le contrôle du Sénat est plus incertaine. Une victoire «totale» du parti de Joe Biden (à la Maison Blanche et aux deux chambres) pourrait provoquer un redressement sensible des taux d’intérêt à moyen et long terme dans la perspective d’un relâchement de la discipline budgétaire, même si les impôts frappant les plus aisés devaient être augmentés. L’accentuation de la pente de la courbe des rendements en dollars préfigure déjà, en partie, une victoire démocrate.
De nouvelles contraintes
En matière sanitaire, le tableau n’est pas réjouissant. Les USA affrontent un nouvelle vague qui a conduit le nombre des cas détectés quotidiennement aux environs de 70.000 (moyenne mobile sur 7 jours), soit au-dessus des niveaux observés à fin juillet. En Europe, notamment en Suisse, la propagation de la maladie présente un caractère exponentiel alarmant qui a conduit plusieurs pays à mettre en œuvre de nouvelles contraintes. Pour l’heure, les autorités tendent à généraliser le port de masque, à recommander le télétravail, à limiter les rassemblements tant privés que publics et à décréter des couvre-feux. L’échec des mesures édictées récemment pourrait conduire à un renouvellement des régimes de confinement provoquant une nouvelle récession.
Les perspectives de reprise pour le quatrième trimestre 2020 et début 2021 sont sérieusement remises en question. D’ores et déjà, plusieurs enquêtes font état d’un ralentissement de l’activité et d’une dégradation du climat des affaires en Europe. En hausse depuis le mois de mai, l’indice IFO a légèrement fléchi en octobre (92,7 après 93,2). Les PMIs préliminaires reflètent un nouveau recul de l’activité du côté des services (46,2 après 48), alors que le secteur manufacturier poursuit son expansion (54,4 après 53,7). Au bénéfice d’une certaine inertie, le secteur secondaire ne semble pas trop menacé par les nouvelles contraintes mises en œuvre pour freiner la pandémie. La restauration, l’hôtellerie, le transport aérien et la branche «évènementielle» paient en revanche un lourd tribut à la crise sanitaire, tandis que d’autres secteurs bénéficient d’un changement des modes de consommation (e-commerce, informatique, streaming, etc).
Les primes associées au risque de crédit ont légèrement fléchi malgré la dégradation de la situation sanitaire. Le «spread» moyen observé sur le segment «investment grade» est désormais proche de 1,2%, alors que le segment plus spéculatif des emprunts «high yield» présente un surplus de rendement de 5,1% – un niveau qui reste assez attrayant en dépit de l’incertitude ambiante.
* Banque Profil de Gestion à Genève