Depuis décembre 2020, le montant de la dette mondiale à rendement négatif affiche une tendance nettement baissière. Le revirement concerne particulièrement l’Europe où les rendements négatifs sont néanmoins toujours légion.
Si le mouvement satisfait les nouveaux investisseurs, les détenteurs actuels d’obligations perdent de l’argent. Quant aux gouvernements, entreprises et propriétaires immobiliers, ils devront faire face à des coûts d’emprunt plus élevés. La perspective est également contrariante pour les secteurs des obligations d’entreprises spéculatives et des emprunts souverains émergents, dont l’accumulation d’emprunts à des taux historiquement bas s’avérerait beaucoup plus coûteuse à refinancer le moment venu.
Mais au-delà de ces considérations, une hausse durable des rendements pourrait surtout corriger l’anomalie qui consiste à payer pour prêter de l’argent – une opération contre nature pour un investisseur obligataire.
Euro, franc suisse, couronnes danoises et suédoises
Au niveau mondial, le total des obligations à rendement négatif a commencé à augmenter sérieusement en 2014, puis a bondi en 2016. En décembre 2020, il a atteint un pic de 18,4 milliards de dollars. Depuis, le montant a reculé jusqu’à environ 13 milliards de dollars (25/05). Les dettes libellées en euro, franc suisse, couronnes danoises et suédoises représentent environ 60% du total.
Ces rendements négatifs sont à mettre sur le compte de la faiblesse économique et sur une demi-décennie de mesures sans précédent de la BCE, destinées à sortir de la crise financière mondiale d’abord et, plus récemment, de celle due aux retombées de la pandémie. A travers ses programmes d’achats, la BCE détient jusqu’à un tiers de la dette de certains Etats membres. Or, la reprise conjoncturelle avance à grands pas.
Le doute sur l’inflation va raffermir les rendements
Selon la BCE, le PIB des 27 pays augmentera de plus de 4% en 2021, après un recul de 6% l’année dernière. Un tel changement sème le doute sur l’inflation. La crainte qu’elle soit plus élevée et plus durable qu’attendu pousse les acheteurs d’obligations à exiger des rendements plus élevés afin de protéger leurs investissements. Si c’est le cas pour l’Allemagne, dont les finances sont solides, ça l’est encore plus pour l’Italie, où le fardeau de la dette représente une source d’inquiétude supplémentaire.
Jusqu’à quel niveau le montant de dette à rendement négatif peut-il baisser? Il n’y a pas de réponse claire. Actuellement, la quasi-totalité des rendements européens à 15 ans et plus est de retour en territoire positif. Il en est de même pour les maturités à 10 ans, à l’exception, pour le moment, de la Finlande, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse. Le changement est significatif comparé au début de l’année. Mais l’évolution de l’inflation et des politiques monétaires sera déterminante pour la suite.
Par exemple, une hausse plus marquée des rendements au sein des économies les plus vulnérables pourrait forcer la Banque centrale européenne à maintenir sa politique monétaire accommodante plus longtemps. Il se peut aussi que le rythme de croissance économique déçoive une fois le rebond passé, auquel cas les rendements pourraient à nouveau baisser. En attendant de «prêter pour encaisser», les investisseurs «payent moins pour prêter» mais payent quand-même.