Ayant renoncé à «guider les attentes» à moyen terme, la Réserve fédérale conduit désormais sa politique au gré de l’évolution de la situation et des perspectives mises en lumière par un flux continuel d’indicateurs et d’enquêtes. Dans cette logique, les statistiques publiées la semaine passée aux Etats-Unis n’apportent pas de réponse définitive quant à l’ampleur du relèvement des taux d’intérêt qui se profile le 21 septembre.
Les nouvelles récentes devraient cependant conforter la banque centrale dans sa volonté de maintenir un cap restrictif pour rétablir la stabilité des prix. L’indice ISM consacré à l’activité manufacturière n’a pas fléchi en août et s’établit toujours au-dessus de 50 (52,8). L’augmentation des effectifs salariés de 315.000 en août (526.000 en juillet) est loin de refléter une contraction sévère de l’activité aux Etats-Unis. L’enquête conduite auprès des ménages transmet toutefois un message qui devrait réjouir Jerome Powell et ses collègues: le taux de chômage s’est redressé de 3,5% à 3,7% en raison d’une augmentation du taux de participation de 0,3 point de pourcentage à 62,4%. Cette légère détente du marché du travail est corroborée par l’augmentation modérée du salaire horaire moyen (0,3% sur un mois, 5,2% en glissement annuel).
Une accentuation de la «pente»
En bref, le dernier rapport de l’emploi pourrait inciter la Réserve fédérale à se contenter d’un relèvement du taux d’intérêt des Fed Funds de 0,5% si les chiffres d’inflation attendus le 13 septembre confirment la timide décrue amorcée en juillet. Un relèvement d’un demi pourcent n’est pas anodin et pourrait satisfaire les «faucons» du FOMC en attendant de mieux cerner l’évolution de la conjoncture aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Sur le marché obligataire, la semaine s’est soldée par une accentuation de la «pente» qui sépare un rendement du T-Note à 2 ans en léger repli à 3,4% et celui du T-Note à 10 ans qui s’est rapproché de 3,2%.
En Europe, la courbe des rendements en euros s’est légèrement redressée, conduisant le rendement du Bund à 10 ans aux environs de 1,55%. Le spread de 236 points de base infligé à l’Italie implique un rendement du BTP proche de 4%. La réunion du Conseil des Gouverneurs devrait se solder par un relèvement des taux d’intérêt directeurs de 0,5% au minimum, voire de 0,75% si on se fie aux déclarations et «fuites» qui émergent depuis deux semaines malgré la plaidoirie du chef-économiste de la BCE en faveur d’une approche graduelle.

L’augmentation soutenue des prix à la consommation dans la zone euro en août (0,5% mensuel, 9,1% en annuel, respectivement 0,5% et 4,3% hors énergie et l’alimentation) apporte de l’eau au moulin des faucons alors que l’horizon conjoncturel s’assombrit en raison de la crise énergétique provoquée par l’agression de l’Ukraine par la Russie. En repli depuis le début de l’année, l’indice du sentiment économique de la Commission européenne annonce une récession qui devrait briser l’élan de l’inflation en 2023. La chute de l’indicateur avancé du KOF annonce un destin similaire pour la Suisse où la BNS s’apprête probablement à relever son taux d’intérêt directeur de 0,5% pour soutenir un franc dont le renforcement est désormais souhaitable.
Des tensions sévères ont conduit le rendement du Gilt britannique à 10 ans près de 3% dans l’attente d’un nouveau relèvement du taux d’intérêt de base de 0,5%, à 2,25%, le 15 septembre. L’augmentation des prix de l’énergie alimente une flambée inflationniste qui pourrait culminer bien au-dessus de la projection de 13% évoquée en août par la Banque d’Angleterre si la récente hausse du prix du gaz se révèle persistante. En retenant cette hypothèse, Goldman Sachs vient d’évoquer un pic d’inflation à 22% début 2023! La nomination de Liz Truss à la tête du parti conservateur et du gouvernement n’implique pas de rupture dans un avenir proche.