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Correction des marchés obligataires en Europe 

La baisse est de 15,6%, soit 10.000 milliards de dollars qui se sont volatilisés depuis le début de l’année.

Gianni Pugliese
Mirabaud - Analyste obligataire
16 juin 2022, 21h00
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Le virage résolument faucon de la BCE et l’accélération de l’inflation américaine à 8,6% en mai ont accentué la déroute des marchés obligataires. L'indice Bloomberg Global Aggregate, composé d’obligations souveraines et d’entreprises classées en catégorie «investment grade», chute de 15,6% cette année. La perte – en clôture du 14 juin – s’élève à un montant proche de 10.000 milliards de dollars!

L’expression «nulle part où se cacher» retentit à tous les coins de rue du marché. Certes, nous savions tous qu’un jour où l’autre il nous faudrait briser la dépendance à de l’argent facile, mais le chemin du sevrage s’avère parfois plus angoissant que ce qui avait été imaginé. C’est le cas en Europe, où la forte réaction baissière des marchés obligataires, face au durcissement de ton de la BCE, reflète cette inquiétude. Elle souligne surtout la crainte inspirée par les conséquences inégales d’un resserrement monétaire agressif sur 19 pays différents les uns des autres. Autrement dit, si le tournant restrictif de la BCE pourrait avoir un impact brutal pour l’Italie, un pays particulièrement vulnérable à la hausse des taux, la situation serait largement moins préoccupante pour l’Allemagne. Cette crainte s’applique bien sûr également aux dettes des autres pays périphériques. C’est pourquoi, au fur et à mesure que s’est précisée l'hypothèse d'une hausse des taux européens, l'écart entre les coûts d'emprunts de l'Allemagne et des pays périphériques s’est creusé.

La BCE a alors jugé essentiel d'apporter une réponse rapide à des investisseurs qui doutent de sa capacité à combattre l’inflation tout en évitant un écartement trop marqué des rendements entre les pays du Nord et du Sud. Le risque étant qu'une fragmentation des conditions de financement en zone euro rende insupportable le coût de la dette pour certains Etats, voire les prive d'accès aux marchés. Ainsi, le 15 juin, six jours à peine après avoir annoncé une hausse des taux à venir en juillet, la BCE a réagi en convoquant une réunion exceptionnelle au cours de laquelle le Conseil des gouverneurs a dit vouloir réinvestir de manière flexible les échéances du portefeuille du PEPP. A cela s’ajoute la mise en œuvre d’un nouvel outil destiné à prévenir la fragmentation de la zone euro en soutenant les pays membres les plus endettés.

Ces mesures visent toutes à préserver le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire. Bien qu'aucun outil formel n'ait été dévoilé, les investisseurs ont été rassurés quant à la soutenabilité de la dette périphérique. Les rendements souverains à 10 ans ont baissé de 36 points de base en Italie, 46 en Grèce, 26 au Portugal et 23 en Espagne contre une baisse de 11 en Allemagne. Un point d’ombre subsiste cependant, certains experts notent que l’élaboration plus ou moins rapide d’un outil anti-fragmentation pourrait ouvrir la voie à un cycle de relèvement des taux encore plus rapide. Une piqûre de rappel pour ne pas oublier que le sevrage à de l’argent facile n’en est qu’à son début.