La perspective d’une hausse des impôts en Chine a fait chuter les titres du secteur du luxe à la mi-août. La rhétorique de la «prospérité commune» promue par les autorités, pourrait-elle impacter les bénéfices des valeurs du luxe?
Xi Jinping a rappelé le concept de «prospérité commune» lors d’un forum économique le 18 août dernier. Le Président chinois ouvre ainsi la voie à des mesures visant à réduire les inégalités et à accroître le bien-être social de ses concitoyens. En effet, d’ici 2049, année de son centenaire, la République populaire de Chine a pour objectif de «bâtir un pays socialiste moderne, prospère, puissant, démocratique, culturellement avancé et harmonieux».
La forte croissance économique de la Chine ces 40 dernières années a toutefois été de pair avec une augmentation marquée des inégalités au sein de la population, avec des niveaux convergeant vers ceux observés aux Etats-Unis.
La réduction des inégalités devrait s’accompagner d’un effort accru de redistribution des richesses. Aucune mesure formelle n’a encore été avancée mais les analystes anticipent l’introduction de nouveaux impôts sur la fortune, l’héritage, les hauts revenus, la consommation ou encore la propriété. L’impact d’un impôt sur les hauts revenus chinois pourrait s’avérer significatif notamment sur le marché des produits de luxe dont les consommateurs chinois absorbent près de 30%.
De nouveaux clients pour les fabricants de produits de luxe
La demande de produits de luxe est généralement jugée «élastique». En effet, une réduction de 10% du pouvoir d’achat (par le biais d’une hausse d’impôt sur le revenu, par exemple) pourrait entraîner une réduction supérieure à 10% des achats de produits de luxe. Considérant le taux de pauvreté globalement faible en Chine (autour de 3%), la redistribution des revenus pourrait donc profiter essentiellement à la classe moyenne chinoise, créant ainsi de nouveaux clients pour les fabricants de produits de luxe. En outre, les produits de luxe satisfont un besoin de consommation statutaire en Asie et pourraient se révéler moins élastiques aux revenus que le suggère la théorie économique.
La fermeture du troisième plus grand port chinois
Dans l’hypothèse où la Chine venait à introduire de nouveaux impôts, les entreprises du luxe pourraient faire face au cours des prochains mois à des révisions bénéficiaires à la baisse de la part des analystes qui les suivent.
D’un point de vue macro, après un solide rebond au premier trimestre de cette année, la croissance de l’économie chinoise pourrait également ralentir, tout en restant supérieure à celle de la plupart des pays développés. Les ventes de détail, par exemple, ont augmenté de 8,5% en glissement annuel en juillet, un chiffre nettement inférieur au consensus des économistes qui tablaient sur 10,9%. Dernièrement, la résurgence des cas de Covid-19 a entraîné la fermeture du troisième plus grand port chinois, Ningbo Zhoushan, ce qui devrait peser sur la croissance du PIB au troisième trimestre. Un rebond est toutefois attendu au quatrième trimestre, sauf nouvelle flambée épidémique.
Nous demeurons toutefois optimistes à l’égard de l’économie chinoise à moyen et long terme. D’autant plus que les données économiques décevantes de ces dernières semaines pourraient inciter la Banque populaire de Chine à assouplir sa politique monétaire en procédant à une réduction du ratio des réserves obligatoires (RRR) pour la deuxième fois cette année.
Enfin, malgré l’incertitude créée à court-terme par le projet de prospérité commune, celui-ci pourrait contribuer à l’émergence d’une classe moyenne plus opulente et donc compenser, à moyen terme, l’impact négatif que l’introduction de nouveaux impôts est susceptible d’avoir sur les hauts revenus chinois.