Le marché des obligations responsables accueille depuis peu une nouvelle venue: l’obligation bleue. Elle démarre tout en discrétion, comme cela avait été le cas en 2007 pour sa grande sœur «verte», un marché qui dépasse aujourd’hui le trillion de dollars. Les Seychelles ont inauguré ce format en 2018. Elles ont ensuite été suivies par la Nordic Investment Bank (NIB), mais les obligations bleues se comptent encore sur les doigts de la main.
Leur vocation est de financer les projets liés à l’eau comme la gestion et/ou la restauration d’écosystèmes marins, la gestion des eaux usées, les programmes de pêche durable ou encore la gestion des déchets plastiques. Si les Etats ont été les derniers émetteurs à se financer avec des obligations vertes, ils font partie des premiers à émettre des obligations bleues. La dépendance de certaines économies à l’eau, ainsi que la gestion de vastes frontières côtières, expliquent l’importance de cette question pour les Etats. Ils sont aussi ceux qui peuvent avoir le plus grand impact sur les fonds marins et ils disposent de ressources additionnelles, comme la taxation, pour assurer des revenus qui permettront le remboursement de ces obligations.
L’Indonésie vient de rejoindre le club des émetteurs d’obligations bleues et a choisi le marché japonais pour financer des programmes de conservation de l’océan ainsi que des programmes d’atténuation du changement climatique. Avec des milliers d’îles, le pays est le plus grand archipel au monde et son économie est très dépendante de l’eau. Mais pourquoi émettre sur le marché japonais? Le Japon s’est récemment montré intéressé par ces structures et, avec sa prime de risque, l’Indonésie savait qu’elle attirerait des investisseurs en quête de rendement. La structure Samouraï – nom donné aux obligations émises localement en yen par des émetteurs étrangers – a permis aux investisseurs de bénéficier d’un rendement relativement élevé, et ce malgré la présence d’une «prime verte» (greenium). Les obligations indonésiennes conventionnelles offrent en effet un rendement légèrement supérieur à l’obligation bleue, un phénomène qui touche aussi les obligations vertes.
Cette obligation «Samouraï bleue» est la première du genre mais de nombreuses autres «premières» suivront, comme cela avait été le cas pour les obligations vertes. Les îles Fidji et les Maldives devraient être les prochaines et le format intéresse aussi, sans surprise, les 39 membres de l’Aosis (Alliance of Small Island States). La prochaine étape passera par la création de standards pour les obligations bleues, tout comme il en existe déjà pour les obligations vertes, sociales, durables et liées au développement durable. A ce stade, les cadres dépendent encore des émetteurs qui choisissent soit de se doter d’un cadre spécifique, comme l’Indonésie, soit d’assimiler les projets liés à l’eau à leurs obligations vertes. La standardisation qui existe pour toutes les autres obligations de type responsable sera nécessaire pour minimiser les risques liés à la créativité et au potentiel «bluewashing». Parions que les débats ne font que commencer.