La semaine dernière, quatre associations économiques et patronales, dont le Centre patronal, se sont unies dans une démarche commune rare pour demander la réalisation d’une nouvelle ligne ferroviaire entre Genève et Lausanne. Dans une perspective de long terme, cette requête est fort légitime compte tenu de la croissance démographique très soutenue de l’Arc lémanique, du moins en comparaison avec les autres régions de ce pays. Elle va aussi dans le sens de la loi climat votée en juin dernier et dont la mise en œuvre impliquera nécessairement une plus grande décarbonation des transports.
Enfin, une nouvelle ligne permettrait d’éviter une paralysie des transports ferroviaires entre Genève et Lausanne au moindre incident technique, faute de trajet alternatif. Il faut d’ailleurs rappeler que toute interruption prolongée du trafic entraîne des conséquences économiques négatives en perturbant certaines chaînes d’approvisionnement comme l’épisode du «trou de Tolochenaz» l’a bien montré.
A l’occasion de la prise de position précitée, on a pu entendre plusieurs arguments en faveur de la réalisation de cette ligne, particulièrement dans les médias et dans le monde politique romand. Il faut bien évidemment s’en féliciter et remercier ces soutiens. Toutefois, il faut aussi rappeler que cette nouvelle infrastructure ne concernerait pas que la métropole lémanique. En effet, sa réalisation aurait aussi des conséquences positives pour la Suisse alémanique. Or, cet élément est souvent sous-estimé outre-Sarine, tant la question du retard en infrastructure côté romand peine à intéresser.
La belle machine [des CFF] peut vite se gripper en cas de perturbations sur les grandes lignes, provoquant un effet boule de neige dans toute la Suisse
Cenni Najy
Aujourd’hui, l’Arc lémanique est l’un des points noirs du réseau CFF. Les trains y sont le plus souvent en retard, voire supprimés. Les causes sont à trouver dans la hausse continuelle de la fréquentation des trains et dans les travaux de remise à niveau des infrastructures (travaux qui pourraient déjà s’avérer insuffisants à l’horizon 2040). Or, les retards générés entre Genève et Lausanne ont tendance à se reporter sur une grande partie du réseau des grandes lignes, jusqu’à Saint-Gall. Ces répercussions négatives impactent aussi le réseau régional alémanique. En effet, l’actuel horaire CFF permet une bonne exploitation des grandes lignes, tout en favorisant des correspondances facilitées entre les trains directs et régionaux. Cet équilibre contribue notamment à l’accessibilité des zones périphériques et suburbaines du pays. Toutefois, cette belle machine peut vite se gripper en cas de perturbations sur les grandes lignes, provoquant un effet boule de neige dans toute la Suisse. Les retards lémaniques ont donc un impact très étendu et pas seulement en Suisse romande comme beaucoup le pensent.
Pour toutes ces raisons, il est urgent de souligner les implications à long terme d’un sous-investissement dans les infrastructures ferroviaires lémaniques. Ces infrastructures sont plus que des voies ferrées permettant de déplacer des personnes entre Genève et Lausanne. L’ensemble des tronçons de la ligne entre Genève et Saint-Gall sont interdépendants et leur bon fonctionnement permet aux CFF de maintenir une offre fiable dans toutes les régions du pays contribuant ainsi à la cohésion nationale. Puissent les nouveaux élus aux Chambres s’en souvenir!
