La loi prévoit à l’heure actuelle un nombre important de moyens de planification qui permettent d’organiser et de faciliter la transmission de l’entreprise. Mais si le chef d’entreprise tarde à prendre des dispositions, voire disparaît sans en avoir pris, l’entreprise peut disparaître.
Le second volet de la révision du droit successoral – encore en consultation aux chambres fédérales – entrera en vigueur probablement en 2024. Il entend favoriser la transmission d’entreprises familiales. Pour atteindre cet objectif, le Conseil fédéral propose cinq mesures phares.
Premièrement, il accorde aux héritiers un droit à l’attribution intégrale d’une entreprise, ou un droit aux participations leur octroyant le contrôle d’une entreprise, dans le cadre du partage de la succession, si le de cujus n’a pas pris de disposition à ce sujet. Cela devrait notamment contribuer à éviter le morcellement ou la fermeture d’entreprises.
Deuxièmement, il institue en faveur de l’héritier repreneur la possibilité d’obtenir des délais de paiement à l’égard des autres héritiers, dans le but de lui faciliter le financement nécessaire pour le maintien en activité de l’entreprise.
Si l’entreprise constitue une grande partie du patrimoine du défunt, le transfert de propriété peut vite créer un conflit entre les expectatives successorales des héritiers.
Cyril Schaer
Troisièmement, il introduit une protection des héritiers réservataires en excluant que la réserve puisse leur être attribuée contre leur gré, sous forme de part minoritaire dans une entreprise dont un autre héritier aurait le contrôle. Cela permet d’éviter un capital «piégé».
Quatrièmement, il établit des règles spécifiques en matière de valeur d’imputation des entreprises dans le cadre du partage de la succession, qui permettent à certaines conditions de considérer la valeur de l’entreprise transmise du vivant du de cujus, au moment où elle est cédée. Il sera ainsi tenu compte du risque entrepreneurial assumé par le repreneur, en distinguant, dans l’estimation de la valeur de l’entreprise, les éléments patrimoniaux nécessaires à l’exploitation de l’entreprise des éléments patrimoniaux qui ne le sont pas.
Enfin, il permet de favoriser le repreneur de l’entreprise familiale, en lui attribuant une part successorale plus importante, en ayant déjà réduit depuis le 1er janvier 2023 la réserve héréditaire des enfants.
Ce second volet, qui concerne plus spécifiquement la transmission des entreprises familiales, a fait l’objet d’un large consensus lors de la procédure de consultation. A juste titre.
En effet, si l’entreprise constitue une grande partie du patrimoine du défunt, le transfert de propriété peut vite créer un conflit entre les expectatives successorales, et les droits de succession, des héritiers réservataires. De même, des discussions infinies peuvent survenir parce que chaque héritier, selon qu’il est ou non intéressé à la continuation de l’entreprise, aura une idée très différente de la valeur à lui attribuer.
Cet état de fait peut considérablement entraver la transmission, voire la rendre impossible, si bien que dans le pire des cas, la fermeture de l’entreprise et sa liquidation sont à craindre. Aux yeux du Conseil fédéral, le droit successoral peut alors représenter un obstacle à la perpétuation de l’activité de l’entreprise, ce qui peut affecter non seulement les personnes directement concernées mais aussi l’économie dans son ensemble: des emplois sont supprimés et la substance fiscale diminue.
Le projet de loi apporte ainsi des solutions bienvenues et efficaces, permettant d’éviter la liquidation d’une entreprise lorsque son propriétaire n’a pas préparé sa succession ou pas suffisamment tôt, ce qui malheureusement arrive très souvent. Il faut dès lors le soutenir sans aucune réserve.