• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Profiter de cette occasion sans précédent pour réimaginer notre monde

Premier extrait d’une série de quatre tiré du chapitre introductif du livre «Covid-19: la grande réinitialisation». Par Thierry Malleret et Klaus Schwab

Thierry Malleret
Monthly Barometer - Directeur associé
Klaus Schwab
World Economic Forum - Président
25 septembre 2020, 14h14
Partager

Pour commencer à élaborer une réponse valable, nous avons besoin d’un cadre conceptuel (ou d’une simple carte mentale) pour nous aider à réfléchir à ce qui nous attend et à y donner un sens. Les perspectives offertes par l’histoire peuvent être particulièrement utiles. C’est pourquoi nous recherchons si souvent un «ancrage mental» rassurant capable de servir de référence lorsque nous sommes contraints de nous poser des questions difficiles sur ce qui va changer et dans quelle mesure.


Pour ce faire, nous recherchons des précédents, avec des questions telles que: la pandémie est-elle comparable à la grippe espagnole de 1918 (dont on estime qu’elle a tué plus de 50 millions de personnes dans le monde en trois vagues successives)? Pourrait-elle ressembler à la Grande Dépression qui a commencé en 1929?Y a-t-il une quelconque ressemblan­ce avec le choc psychologique infligé par le 11 septembre? Y a-t-il des similitudes avec ce qui s’est passé avec le SRAS en 2003 et la grippe H1N1 en 2009 (même à une échelle différente)? Serait-ce comparable à la grande crise financière de 2008, mais en bien pire?


La réponse correcte, bien que fâcheuse, à toutes ces questions est: non! Aucun de ces évènements ne correspond à la portée et au schéma de la souffrance humaine et de la destruction économique causées par la pandémie actuelle. Les retombées économiques, en particulier, ne ressemblent à aucune crise de l’histoire moderne. Cela étant dit, la Seconde Guerre mondiale pourrait tout de même être l’un des points d’ancrage mentaux les plus pertinents dans l’effort d’analyse de ce qui va suivre. La Seconde Guerre mondiale a représenté la quintessence de la guerre de transformation, déclenchant non seulement des changements fondamentaux dans l’ordre mondial et l’économie mondiale, mais entraînant également des changements radicaux dans les attitudes et les croyances sociales qui ont finalement ouvert la voie à des politiques et des dispositions de contrat social radicalement nouvelles (comme l’entrée des femmes sur le marché du travail avant qu’elles n’obtiennent le droit de vote).


Il existe évidemment des différences fondamentales entre une pandémie et une guerre (que nous examinerons plus en détail dans les pages suivantes), mais l’ampleur de leur pouvoir de transformation est comparable. Toutes deux ont le potentiel d’être une crise de transformation atteignant des proportions qui auraient été inimaginables auparavant. Cependant, nous devons nous méfier des analogies superficielles. Même dans le pire des scénarios, la COVID-19 tuera beaucoup moins de personnes que les grandes pestes, y compris les pestes noires, ou que la Seconde Guerre mondiale.


En outre, l’économie d’aujourd’hui ne ressemble en rien à celles des siècles passés qui reposaient sur le travail manuel et les terres agricoles ou l’industrie lourde. Toutefois, dans le monde hautement interconnecté et interdépendant d’aujourd’hui, l’impact de la pandémie ira bien au-delà des statistiques (déjà stupéfiantes) concernant «simplement» les décès, le chômage et les faillites.COVID-19: la Grande réinitialisation a été écrit et publié au milieu d’une crise dont les conséquences se feront sentir pendant de nombreuses années. Il n’est pas étonnant que nous nous sentions tous un peu désorientés - un sentiment bien compréhensible lorsqu’un choc extrême s’abat, apportant avec lui l’inquiétante certitude que ses répercussions seront à la fois inattendues et inhabituelles. Cette étrangeté est bien saisie par Albert Camus dans son roman de 1947, La Peste: «Mais tous ces changements dans un sens, étaient si extraordinaires et s’étaient accomplis si rapidement, qu’il n’était pas facile de les considérer comme normaux et durables.»


Maintenant que l’im­pensable est à notre porte, que se passera-t-il ensuite, au lendemain de la pandémie, puis dans un avenir proche?Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour prédire avec une précision raisonnable les implications de la COVID-19 en termes de changements considérables, mais l’objectif de ce livre est d’offrir quelques lignes directrices cohérentes et théoriquement fiables sur la suite éventuelle des événements, et de le faire de la manière la plus complète possible. Notre but est d’aider nos lecteurs à saisir le caractère multidimensionnel des changements à venir.


Au minimum, comme nous le dirons, la pandémie accélérera les changements systémiques déjà apparents avant la crise: le retrait partiel de la mondialisation, la séparation croissante entre les États-Unis et la Chine, l’accélération de l’automatisation, les préoccupations relatives à la surveillance accrue, l’attrait croissant des politiques en matière de bien-être, la montée du nationalisme et la crainte de l’immigration qui en découle, la montée de la puissance technologique, la nécessité pour les entreprises d’avoir une présence en ligne encore plus forte, parmi beaucoup d’autres. Mais elle peut aller au-delà d’une simple accélération en modifiant des choses qui semblaient auparavant immuables. Elle pourrait ainsi provoquer des changements qui auraient semblé inconcevables avant que la pandémie ne frappe.


L’idée principale est la suivante: les possibilités de changement et le nouvel ordre qui en résulte sont désormais illimités et n’ont d’autre frein que notre imagination, pour le meilleur ou pour le pire. Les sociétés pourraient être sur le point de devenir plus égalitaires ou plus autoritaires, ou orientées vers plus de solidarité ou plus d’individualisme, favorisant les intérêts de quelques-uns ou du plus grand nombre; les économies, lorsqu’elles se rétabliront, pourraient prendre le chemin d’une plus grande inclusion et d’une meilleure adéquation à nos biens communs mondiaux, ou bien elles pourraient recommencer à fonctionner comme avant. Vous l’avez compris, nous devrions profiter de cette occasion sans précédent pour réimaginer notre monde, afin de le rendre meilleur et plus résilient lorsqu’il réapparaîtra de l’autre côté de cette crise.


Les autres extraits du livre:

Une croissance meilleure plutôt que la décroissance

Gagnants et perdants de la crise du coronavirus

Santé et économie, la difficile conciliation de ces deux impératifs