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Oui à la voiture électrique, mais pas sans conditions

Quatre exigences pour que cette nouvelle forme de mobilité permette réellement à la transition énergétique de se produire. Par René Longet

«Les immenses Tesla ne sont pas les meilleurs exemples d’une transition réussie.»
KEYSTONE
«Les immenses Tesla ne sont pas les meilleurs exemples d’une transition réussie.»
René Longet
Expert en développement durable
11 juillet 2023, 19h00
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Les transports routiers génèrent un tiers du CO2 émis depuis le territoire suisse. Avec le chauffage, ils sont la principale cause de notre dépendance, à hauteur des 2/3 de notre mix énergétique, du fossile. Electrifier l’automobilité fait donc sens. Mais pas sans conditions.

1) La première exigence est que l’électricité utilisée pour recharger les batteries soit d’origine renouvelable, car sinon on n’aura fait que déplacer le problème. Les études les plus récentes confirment l’important potentiel de l’éolien et du solaire venant s’ajouter à la traditionnelle force hydraulique. Et les efforts d’économies d’électricité libèrent du disponible prêt à être investi dans la transition. Une autre possibilité, complémentaire, est l’hydrogène, à condition qu’il soit lui aussi issu d’électricité renouvelable.

2) La deuxième est de réorganiser la mobilité avant d’y injecter notre précieuse électricité renouvelable. La majorité de nos déplacements en voiture se font pour nos loisirs et non pour des déplacements professionnels, et il s’agit d’en questionner les nécessités et les habitudes. Par ailleurs, 80% des parcours se font à une seule personne, donc l’essentiel de la capacité de transport reste en friche. Enfin, la puissance du parc automobile augmente déraisonnablement: 50% des nouvelles immatriculations sont des SUV émettant 15% de plus de CO2 que les catégories moins motorisées.

Il ne faut donc pas présenter l’électrification de l’automobilité comme une simple substitution d’une énergie par une autre qui laisserait inchangé tout le reste

René Longet

Par quantités véhiculées, les transports publics et en particulier ceux sur rail sont beaucoup moins consommateurs d’énergie (et d’espace) que la voiture ou le camion; pour de plus courtes distances, la marche et le vélo présentent d’importantes marges de progression. Toutefois, selon où l’on habite, où l’on doit se rendre et à quelle heure, il restera toujours une place pour l’automobilité – mais redimensionnée dans son rôle et son ampleur, et aussi dans la puissance des véhicules. A cet égard, les immenses Tesla ne sont pas les meilleurs exemples d’une transition réussie…

Il ne faut donc pas présenter l’électrification de l’automobilité comme une simple substitution d’une énergie par une autre qui laisserait inchangé tout le reste, mais comme une pièce du puzzle d’une mobilité revisitée.

3) Le troisième point est l’écobilan de la voiture électrique. Les voitures électriques utilisent des terres dites rares, les batteries emploient du lithium, tout cela produit dans des conditions et provenances discutables. C’est là que la transition doit faire coup double, ou triple: elle consiste à quitter le fossile, mais elle doit aussi nous conduire à recycler la matière, en l’occurrence les constituants de la mobilité électrique, en actionnant le modèle de l’économie circulaire: les batteries d’aujourd’hui sont les «mines urbaines» de demain. Et elle demande de faire pression pour améliorer les conditions écologiques et sociales du recyclage et de l’extraction.

Par ailleurs, la technologie évolue tous les jours et divers substituts aux matériaux sujets à caution sont d’ores et déjà en discussion, voire en préparation. Or, curieusement, les mêmes qui assurent que «la science» va bien finir par trouver des réponses aux risques du nucléaire ne croient pas trop qu’elle pourra mobiliser des matières moins problématiques pour actionner la mobilité électrique, objectif pourtant nettement plus réaliste...