Alors que la question du pouvoir d’achat a été l’un des éléments principaux de la campagne pour les élections fédérales, il vaut la peine de rappeler ce qui s’est passé au cours des dernières décennies. La hausse de la productivité a, contrairement aux accusations habituelles, profité au pouvoir d’achat. Elle a été redistribuée sous forme de hausses des salaires (0,5% par an) ainsi que de réduction du temps de travail, un aspect qui tend à être oublié.
La politique fiscale pratiquée par la Suisse a-t-elle joué un rôle dans cette évolution? Plusieurs éléments semblent le confirmer. En effet, l’attractivité fiscale a favorisé l’implantation de nouvelles entreprises et l’expansion de celles qui se trouvaient déjà en Suisse. Elle a boosté les investissements générés ainsi que la hausse des recettes produites par l’imposition des bénéfices.
Trois réformes importantes de l’imposition des entreprises ont en effet été réalisées aux cours des 25 dernières années. Ayant pour noms barbares RIE I, RIE II et RIE III-RFFA, elles ont permis d’attirer et de fixer des entreprises multinationales très rentables qui jouent un rôle important pour l’entier du tissu économique. Cette politique fiscale a provoqué une hausse continue des recettes de l’impôt sur le bénéfice.
Au niveau fédéral, les recettes provenant des entreprises ont rattrapé, puis dépassé celles fournies par les personnes physiques. Ces dernières ont d’ailleurs vu leur charge fiscale diminuer suite à diverses mesures. Cela s’est aussi passé dans les cantons, puisque la charge fiscale a baissé dans 24 d’entre eux depuis 1995.
La Suisse est l’un des pays les moins inégaux de l’OCDE en ce qui concerne les revenus primaires
Vincent Simon
Autre point intéressant: la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) suisse est modérée. Avec 7,7% actuellement (8,1% l’an prochain suite à la hausse de 0,4 point en faveur de l’AVS), elle restera inférieure de moitié à celle du Luxembourg (17%), sans parler des autres Etats européens où elle plus élevée, parfois du triple. On sait que les que les impôts sur la consommation sont particulièrement impactants pour les catégories sociales modestes. En Suisse, cet impact reste heureusement limité.
Les inégalités sont peu marquées dans notre pays. La Suisse est ainsi l’un des pays les moins inégaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en ce qui concerne les revenus primaires (gagnés sur le marché du travail). Les salaires exorbitants octroyés dans certaines entreprises ne changent rien à ce tableau. Et le système fiscal suisse, progressif, fait passer à la caisse les hauts revenus.
La Suisse a donc fait tout juste. Contrairement à ce que l’on entend souvent, ce n’est pas seulement le «capital» qui en profite, mais l’ensemble de la société. A l’avenir aussi, et malgré les réformes internationales qui tendent à affaiblir notre compétitivité, il faudra savoir soigner la politique fiscale pour qu’elle continue d’être un de nos atouts économiques.