Le frein à l’endettement fête ses 20 ans. Cet instrument, né dans la douleur des années 1990, est désormais bien installé. Depuis sa mise en vigueur, il a permis de maîtriser les finances fédérales, puis de réduire l’endettement et aussi d’affronter la crise du Covid en de bonnes conditions.
Le mécanisme est simple, puisqu’il vise à l’équilibre des recettes sur un cycle économique. En période conjoncturelle difficile, des déficits sont autorisés. Le frein est donc anticyclique. En période plus faste, des excédents doivent combler les déficits; ils sont affectés à la réduction de la dette. Dans les années 1990, les finances fédérales avaient complètement dérapé. La dette fédérale avait gonflé, jusqu’à atteindre 130 milliards de francs en 2003.
Lors des débats parlementaires, les partis de gauche s’étaient opposés au frein, jugeant le mécanisme trop rigide et déplorant que le Parlement renonce ainsi à sa souveraineté budgétaire. On ne s’étonne pas que ces partis aient aussi critiqué le fait que le frein ne prévoyait pas la possibilité de hausses d’impôts! En votation populaire, le frein à l’endettement fut cependant plébiscité par 85% des électeurs.
Il est plus facile d’économiser le cas échéant dans les domaines qui ne sont pas protégés, comme la recherche et la formation ou l’agriculture. Ce n’est pas justifié.
Vincent Simon
Les avantages de cette contrainte budgétaire sont depuis avérés: de 2003 à 2019, les années d’excédents ont permis de réduire la dette de 30 milliards de francs. Quand la crise du Covid a éclaté en 2020, la Confédération a pu sans autre engager des dizaines de milliards pour soutenir l’économie et les travailleurs. Ces milliards sont d’ailleurs comptabilisés comme dépenses extraordinaires, dont l’amortissement peut être prolongé dans le temps, au-delà du cycle économique.
Est-ce que le frein à l’endettement empêche la Confédération d’agir ou d’investir? Non. Tout d’abord, les budgets fédéraux ont régulièrement augmenté au fil du temps, à mesure que ses recettes prenaient l’ascenseur. Mais le Parlement doit toutefois parfois limiter son propre appétit, sans quoi le Conseil fédéral lui rappelle de quelle marge de manœuvre il dispose. Ainsi, pour les années 2024 et suivantes, des déficits supérieurs à ce qu’autorise le frein à l’endettement sont annoncés. Il faudra bien les revoir à la baisse. Par exemple, les dépenses pour la défense nationale augmenteront comme l’a voulu le Parlement, mais moins rapidement que souhaité.
Un aspect plus problématique de la politique budgétaire réside dans le fait qu’à peu près 60% des dépenses fédérales sont des dépenses dites liées, c’est-à-dire qu’elles sont réglées par un dispositif législatif contraignant. Il est donc plus facile d’économiser le cas échéant dans les domaines qui ne sont pas protégés, comme la recherche et la formation ou l’agriculture. Ce n’est pas justifié.
Lors de la session d’automne, le Parlement examinera une intervention réclamant la possibilité d’agir sur les dépenses liées, mais de manière modérée et temporaire. On verra ce qu’il en ressort. En attendant: longue vie au frein à l’endettement!