Les élections du 22 octobre ont marqué un recul des Vert.e.s et Vert’libéraux, et une avancée de l’UDC, par rapport à 2019. Les tendances à plus long terme montrent cependant une autre image, avec une progression des partis verts et une part stable de l’UDC depuis vingt ans. En outre, une analyse par courants politiques plutôt que par partis montre un changement clair du paysage politique.
Prendre une perspective de long terme
Si les commentaires sur les résultats se sont concentrés sur les changements par rapport à 2019, il convient de ne pas se limiter à cette perspective. La figure ci-dessous montre l’évolution des parts des différents partis à l’électorat (panel de gauche) et leurs sièges au Conseil national (panel de droite). Le recul des Vert.e.s et des Vert’libéraux entre 2019 et 2023 (chiffres révisés), ainsi que les gains de l’UDC, sont clairs.
Cependant, une perspective plus longue conduit à relativiser les changements récents. Tout d’abord, la part de l’UDC fluctue autour d’une moyenne depuis 2003. Ensuite, le recul des Vert.e.s et des Vert’libéraux survient après de forts gains en 2019, et la tendance de fond reste clairement à la hausse pour ces partis. Enfin, le recul des Vert’libéraux est plus prononcé en termes de sièges que de résultat électoral.
Raisonner en termes de courants politiques
La discussion politique suisse se structure souvent autour des partis. Si cela faisait sens dans le passé, cette perspective est limitée lorsque différents partis représentent un courant similaire. Bien entendu, chaque parti a ses spécificités, et les regrouper entre courants implique de gommer certaines différences. L’exercice est cependant instructif.
Spécifiquement, nous pouvons grouper les partis en cinq courants (les détails sont donnés en fin de document). La droite conservatrice (UDC et divers partis, comme la Lega), la gauche (PS et divers partis), le centre (PDC/Centre et PBD), le courant libéral (PLR) et le courant vert (Vert.e.s et Vert’libéraux).
Cette ventilation donne la situation dans le graphique ci-dessous, qui conduit à plusieurs constats. Tout d’abord, la montée de la droite conservatrice dans les années 1990 est moindre que celle de l’UDC, car ce parti a récupéré les votes d’autres formations similaires, notamment le Parti suisse de la liberté et les Démocrates suisses. Deuxièmement, le courant vert montre une progression soutenue, que les fluctuations récentes ne contredisent pas. Enfin, la part des verts dans l’électorat et du Conseil national depuis les deux dernières élections est similaire à celle du courant libéral et du centre, et ce malgré le recul récent.
Bien entendu, l’allocation des différents partis entre courants peut être sujette à discussion. En particulier, considérer que les Vert’libéraux tombent uniquement dans le bloc vert est discutable, car leur nom indique qu’ils s’inscrivent aussi dans le courant libéral. La figure ci-dessous présente une alternative qui alloue un tiers des votes et sièges de ce parti au courant libéral, et deux tiers au bloc vert. Nous constatons que si cette hypothèse alternative déplace la ligne verte vers le bas et la ligne bleue dans l’autre sens, cela ne change pas fondamentalement la donne.
Relevons en passant que notre analyse en termes de courants n’est pas sujette à de profondes remises en questions lors de corrections des chiffres de l’OFS, contrairement à une discussion qui porte de savoir sur qui est le 3e ou 4e parti politique.
Et maintenant?
La discussion politique bat actuellement son plein quant à la composition du Conseil fédéral. La Suisse étant faite de personnes votantes et de cantons, il convient d’attendre les résultats finaux pour le Conseil des Etats le 12 novembre afin d’établir la représentation des partis et des courants sur l’ensemble des deux Chambres. Affaire à suivre donc.
«Annexe: Composition des courants
Droite conservatrice: UDC, PEV, DS, Rép., UDF, PSL, Lega, MCR.
Gauche: PS, PST/SolidaritéS, PSA, POCH
Centre: PDC/le Centre, PBD, PCS
Libéral: PLR, Vert Libéraux (selon scénario)
Vert: Vert.e.s, AVF, Vert Libéraux (selon scénario)
Pour les noms détaillés des partis, voir le site de l’OFS.
