Le sujet agite depuis quelques mois les officines immobilières comme s’il s’agissait de la découverte béate d’un vice caché: la performance énergétique des immeubles. On a y même lu qu’une société savante pensait mettre sur le marché (donc vendre), dans quelques mois, une intelligence artificielle capable de classer les bons et mauvais élèves et, par conséquent, d’en évaluer le coût de leur décote (pour les corrompus) ou de leur prime (pour les… vertueux). Cela se pratique en France, en Allemagne et en Indonésie, avec pas mal de dégâts collatéraux. La note reçue façonne les prix.
Les immeubles (au sens large) chauffent nos rues et nos campagnes. C’est un fait. Leur concentration en décuple l’effet, c’est logique. Techniquement, les solutions sont rares et partiellement satisfaisantes (forages et pompes électriques, doublement de l’enveloppe, panneaux solaires chinois et recommandations du gouvernement sur la manière de bouillir l’eau).
Oui, mais encore faut-il que les locataires ferment leurs fenêtres! Sinon, l’angoisse du sort de la planète et la douleur du remède ne seraient qu’un leurre.
Si notre palais valait 1000, et qu’il y a cent de coût d’isolation, vaut-il 900? Si oui, il y a un sérieux problème de dépréciation pour 85% du parc helvétique
Thomas Brendle et Lorenzo Pedrazzini
Sauf que ce discours a un double effet, peu sentimental, lui: quelle est la décote d’un immeuble passoire (performance énergétique) par rapport à une norme vénale qu’il s’agit encore d’inventer? Un immeuble neuf vaut-il plus ou mieux qu’un immeuble d’il y a quarante ans ou plus, du fait que le droit administratif et la mode «éco +» sont aujourd’hui plus contraignants?
Disons, si notre palais valait mille, et qu’il y a cent de coût d’isolation, vaut-il neuf cent? Si oui, il y a un sérieux problème de dépréciation pour 85% du parc helvétique. Sur le marché de l’investissement, sachant que 70% des transactions sont menées par des institutionnels soumis aux normes ESG ou assommés par elles, c’est préoccupant tant pour la fortune du 2e pilier, des fonds immobiliers, que pour la pratique des crédits hypothécaires. On en a déjà parlé ici. La soustraction caricaturée plus haut n’a aucun sens.
Donc, pour résumer, le souci de «l’hypernergie» a du sens, on ne saurait le condamner. Mais imaginer plusieurs milliards de travaux d’assainissement a un coût dont il est peu probable que le poids puisse être payé par les locataires (la facture, ce sera pour eux!) déjà assommés par des loyers (première location) en hausse de 45% depuis dix ans.
Mon complice François Micheli en brossait un scénario pertinent – et amusant – il y a sept ans dans la réimpression de son ouvrage «Le prix des immeubles, douze cas pratiques», ajoutant à l’équation un bémol que personne ne relève: la technologie des matériaux, panneaux solaires surtout, évolue très rapidement. Au point que ceux qui ont installé des tuiles magiques il y a vingt ans ne trouvent plus de pièces de remplacement. Un panneau des années 1990, cassé par la grêle, c’est la totalité du toit qu’il faut changer. Entre-temps, c’est le coût de l’énergie électrique nécessaire aux pompes à chaleur qui a doublé.
Vous me direz que ce billet grincheux n’amène aucune eau au moulin asséché de nos campagnes désormais brûlées.
Le seul propos, terriblement trivial, c’est de savoir combien ça coûte. Nous y reviendrons ici prochainement, démonstration et calculs à l’appui.