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Le marché fonctionne bien sur la base d’informations imparfaites

Toutes les bêtises dites ne doivent pas être corrigées. Par Jacques Neirynck

«Aucun automobiliste ne peut se livrer à une enquête perpétuelle sur le prix de l’essence à la pompe dans sa région.»
KEYSTONE
«Aucun automobiliste ne peut se livrer à une enquête perpétuelle sur le prix de l’essence à la pompe dans sa région.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
23 août 2022, 12h45
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Nous en avons déjà parlé mais l’actualité nous y invite de nouveau. La loi de Brandolini est un aphorisme énonçant que «la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire».

Durant l’épidémie, on a entendu toutes les bêtises imaginables: le masque ne sert à rien, il n’y a pas d’épidémie, l’ARN modifie l’ADN, le vaccin tue, les pharmas exagèrent la portée du virus pour vendre leurs vaccins, l’hydroxychloroquine est un traitement efficace. Rétablir les faits fut presque impossible face à des gens d’autant plus convaincus de leurs fantasmes qu’ils n’ont aucune connaissance en biologie, remplacée par les préjugés traditionnels. Le président des Etats-Unis en est arrivé à conseiller de boire de l’eau de Javel. Il était plus crédible que les spécialistes qui se répandaient dans les médias.

En cette montée d’inflation et de perte du pouvoir d’achat, la loi est-elle valable pour l’économie fondée sur le principe de la rencontre entre l’offre et la demande, qui détermine le volume et le prix des transactions? Il suppose que les vendeurs et les acheteurs aient une connaissance parfaite du marché, hypothèse idéale pour construire une théorie. La pratique est bien différente. Aucun consommateur ne possède une connaissance réelle de la totalité d l’offre et de la qualité des produits. Aucun automobiliste ne peut se livrer à une enquête perpétuelle sur le prix de l’essence à la pompe dans sa région.

Et cependant cette économie libérale fonctionne nettement mieux que toutes les tentatives d’économie planifiée par le pouvoir politique. D’une part, les producteurs se livrent à des études de marché fréquentes, d’autre part, le consommateur dispose d’informations d’une foule de sources, bouche-à-oreille du voisinage, organisations de consommateurs et surtout la publicité.

Les démocraties libérales assurent un haut niveau de vie à leurs citoyens en n’appliquant pas de solutions radicales

Jacques Neirynck

Le statut de celle-ci est ambigu: elle ne peut carrément désinformer car l’ensemble des producteurs réagiraient, elle doit mettre en avant les éléments positifs d’un produit en négligeant les autres. Elle peut même arriver à la publicité comparative qui assure que tel produit chez tel distributeur est moins cher que la concurrence, voire de meilleure qualité.

Le bon fonctionnement de l’économie libérale atteste donc que les consommateurs, sans avoir une connaissance exhaustive du marché, disposent néanmoins des informations suffisamment pertinentes pour remplir leur rôle et garantir la concurrence. De temps en temps des organisations de consommateurs corrigent les dérives les plus nocives et le pouvoir politique intervient dans les cas urgents.

Les démocraties libérales assurent ainsi un haut niveau de vie à leurs citoyens en n’appliquant pas de solutions radicales, théoriques, idéologiques mais en prenant en compte la faiblesse humaine. Même un consommateur mal informé ou manipulé remplit un rôle utile. Le marché est loin d’être un mécanisme parfait mais il en est une approximation acceptable. Toutes les tentatives pour l’abolir ont engendré la pénurie. La loi de Brandolini mérite d’être amendée à son propos: il existe des bêtises qui sont nécessaires et qui ne doivent pas être corrigées.