• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Le futur de la Silicon Valley et le métavers: diversification ou diversion?

CONNECTING TOMORROW. La nouvelle chronique de Swissnex pour «L'Agefi». Par Yannick Heiniger

«Le métavers est-il vraiment la prochaine frontière de l’internet ou est-ce une tentative de diversion rendue capable par ce déluge de capital?»
Keystone
«Le métavers est-il vraiment la prochaine frontière de l’internet ou est-ce une tentative de diversion rendue capable par ce déluge de capital?»
Yannick Heiniger
Swissnex - CEO ad interim à San Francisco
01 février 2022, 14h35
Partager

La chronique «Connecting tomorrow» est signée par Swissnex. A la demande de L'Agefi, le réseau chargé par la Confédération de nouer des liens à travers le monde dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation décrypte les développements sur différents marchés intéressants pour les entreprises suisses.


La région de San Francisco a grandement bénéficié de l’adoption massive de technologies digitales durant la pandémie. Apple, par exemple, vient de franchir le cap des 3000 milliards de capitalisation et les milliardaires américains (pour beaucoup des propriétaires d’entreprises technologiques) ont vu leur fortune grandir de 70%. Dans le monde des start-up, alors que les investissements en capital-risque atteignent des sommets au niveau mondial, les jeunes pousses basées dans la vallée ont elles aussi reçu 105 milliards en 2021, soit deux fois plus qu’en 2020. Ces tendances renforcent le rôle central de la région, tout en confirmant la montée en puissance de nouvelles alternatives telles Philadelphie, Miami ou encore Dallas.

Dans ce contexte, il semble que la pandémie ait donné aux Big Tech les moyens de parier sur leur futur. Cela arrive à un point nommé pour la Vallée, qui se cherche un nouveau souffle. Plusieurs nouvelles frontières émergent comme pleins de promesses: le web3, les NFT, ou encore les métavers. Arrêtons nous sur cette dernière.

Alors que les critiques s’abattent sur Facebook quant à ses effets sur la radicalisation des idées et la santé mentale, l’entreprise annonce un changement de nom stratégique. En devenant Meta Platforms Inc, Mark Zuckerberg fait du métavers sa vision du futur. Pour faire simple, le métavers s'appuie sur la convergence de différentes technologies, et consiste en une nouvelle réalité virtuelle faite d'espaces en ligne partagés et habités par des avatars numériques.

Modérer ce que les gens disent dans le métavers à une échelle significative est pratiquement impossible.

Yannick Heiniger

Le métavers est-il vraiment la prochaine frontière de l’internet ou est-ce une tentative de diversion rendue capable par ce déluge de capital? D’un côté, il s’agit bien d’une évolution de tout un secteur. Microsoft travaille depuis longtemps sur Mesh, tout comme Epic Games, Apple et beaucoup d’autres.

Cependant, le métavers semble déjà montrer son potentiel en tant qu'amplificateur des limites du modèle actuel. Harcèlements, agressions, et discours haineux sont déjà monnaie courante. Bien plus, Facebook le constate déjà dans un mémo interne: modérer ce que les gens disent et comment ils agissent dans le métavers à une échelle significative est pratiquement impossible. Les effets possibles du métavers en termes de santé mentale font aussi débat.

Sous cet angle-là, le défi au cœur du futur de la Silicon Valley ne semble pas être du ressort de "ce que la technologie peut faire". Il s’agirait plutôt de s’isoler dans une vision déterministe du monde où la technologie répond de facto aux besoins du monde. Finalement, peu importe la nature de la prochaine frontière de l’internet, il semble incontournable avant tout de considérer en profondeur les limites du modèle présent, et de trouver des solutions aux effets des technologies. C’est là que se situe une opportunité pour la Suisse et ses acteurs: apporter une perspective globale et nuancée sur l'enjeu des technologies dans son intersection avec la société. Des initiatives telles que le Label de confiance numérique, SCION à l'EPFZ, le Cyberpeace Institute à Genève illustrent bien ce potentiel et nous rappellent que le chemin vers un internet résilient et inclusif est encore long.