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La concentration grandissante du commerce extérieur suisse

Chimie, pharma et négoce de matières premières expliquent la force actuelle des exportations. Par Cédric Tille

«Au début des années 2000, la chimie et la pharma représentaient 20% des exportations de biens et services. Actuellement, elles en représentent à elles seules un peu moins de 30%.»
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«Au début des années 2000, la chimie et la pharma représentaient 20% des exportations de biens et services. Actuellement, elles en représentent à elles seules un peu moins de 30%.»
Cédric Tille
Graduate Institute Geneva - Professeur d’économie
09 janvier 2023, 14h47
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La Suisse a longtemps été un pays réalisant des excédents à l’étranger. Si le solde total de nos transactions montre un excédent relativement stable depuis vingt ans, cela dissimule de profonds changements. La contribution des rendements financiers a fortement reculé, et l’excédent commercial repose à présent uniquement sur la chimie et la pharmacie ainsi que sur le négoce de matières premières (commerce de transit). Si la bonne performance de ces secteurs a bénéficié à la Suisse, le pays est devenu plus exposé à d’éventuels changements dans ces domaines d’activité.

Le recul des revenus financiers

Le graphique ci-dessous montre le solde de la balance courante suisse en pourcentage du PIB depuis 2000 (en omettant les flux d’or non monétaire qui rendent la lecture plus difficile). Le solde total (ligne rouge) se compose du solde des biens et services (ligne bleue), de celui des revenus des facteurs (salaires des travailleurs transfrontaliers, intérêts et dividendes sur les avoirs financiers, ligne verte) et de celui des transferts (stable et légèrement négatif, non indiqué par souci de clarté).

La concentration grandissante du commerce extérieur suisse

Avant la crise de 2008, le solde de la balance des biens et services et le solde des revenus contribuaient de manière similaire à l’excédent total qui se montait à 10% du PIB. La situation a depuis nettement changé, avec la disparition de l’excédent des revenus des facteurs. Cela s’explique par la hausse tendancielle du déficit lié aux revenus des travailleurs frontaliers, et la baisse des rendements sur les avoirs financiers détenus par la Suisse à l’étranger. La hausse du solde des biens et services a permis de stabiliser l’excédent total, qui s’est réduit à 5% entre 2014 et 2020, avant de remonter rapidement à 10%.

Un changement de composition

La hausse de l’excédent du commerce de biens et services depuis 2020 peut être vue comme le signe encourageant d’une compétitivité soutenue de la Suisse. Peut-être dans l’ensemble (encore qu’un excédent n’est pas nécessairement un bon signe), mais cela repose sur deux secteurs d’activité.

Le graphique ci-dessous décompose le solde des biens et services en quatre groupes. Le commerce du secteur chimie et pharma (ligne rouge), le commerce des autres biens (ligne orage), le revenu du courtage de matières premières (ligne bleue) et le commerce de service (ligne verte).

La concentration grandissante du commerce extérieur suisse

On observe une situation très contrastée. Si le solde pour les «autres biens» est stable et négatif, l’excédent des services a diminué dès 2008 pour se muer en déficit. La hausse de l’excédent total reflète uniquement la montée régulière du solde pour la chimie et la pharma, ainsi que le rôle grandissant des activités de négoce. Celles-ci montrent une dynamique intéressante. Si le solde s’était stabilisé après 2010, suivant une forte montée, il est nettement reparti à la hausse des 2020. La montée des excédents extérieurs suisses sur les deux dernières années reflète dès lors essentiellement ce secteur d’activité.

Un examen plus approfondi montre que le retournement du solde des services ne reflète pas une baisse des exportations suisses, qui sont demeurées stables, mais une hausse marquée des importations depuis le début des années 2010. En revanche, la montée de l’excédent du solde de la chimie et pharma résulte de la hausse des exportations, les importations dans ce secteur n’ayant que peu augmenter (il en va de même pour le courtage, mais sans surprise car cette activité n’implique pas d’importations). Il en résulte une concentration accrue des exportations suisses sur ces secteurs.

Au début des années 2000, la chimie et la pharma représentaient 20% des exportations de biens et services, contre 45% pour les autres biens et 35% pour les services, le commerce de courtage n’ayant qu’un rôle minime. Actuellement, la chimie et la pharma représentent à elles seules un peu moins de 30% des exportations, une part similaire à celles des autres biens ainsi que des services, et le courtage se monte à 15% du total.

Version en anglais