Cet été, «L’Agefi» publie en exclusivité 10 chapitres du livre paru cette année de Dominique Freymond dans lequel il partage son expérience d’administrateur d’entreprise.
Résumé
La séance du conseil se déroule normalement jusqu’au dernier point à l’ordre du jour, soit les divers. Mario informe avoir connaissance de faits de harcèlement sexuel en rapport avec un collaborateur. Les faits concerneraient une douzaine de personnes, y compris des personnes mineures, et remonteraient aux trois dernières années. Son annonce crée la stupéfaction générale. N’ayant reçu aucune information préalable ou signe avant-coureur concernant cette situation, Rémy, président, se sent un peu désemparé pour régler les choses. Comment réagir avec habileté tout en accordant le sérieux nécessaire à cette situation?
Anecdote
L’information ayant été communiquée au conseil, il n’est plus possible de l’ignorer. Plusieurs personnes veulent en savoir plus et posent des questions à Mario. Ce dernier indique qu’une femme s’est confiée à lui lors d’une discussion informelle. Elle lui a donné le nom de l’auteur présumé des faits, mais elle ignore qui sont les personnes harcelées.
Une membre du conseil propose d’agir sans tarder et de licencier avec effet immédiat l’auteur présumé. Il s’agit d’éviter d’autres cas de harcèlement et de protéger le personnel. Les émotions commencent à prendre le dessus. Rémy calme le jeu. Il propose de prendre acte de la situation, de diligenter rapidement une enquête puis, sur cette base, de décider des mesures à prendre.
Un cas sans gravité était apparu il y a deux ans. La direction avait alors publié une directive concernant la prévention et la gestion des conflits ainsi que le harcèlement et les autres atteintes à la personnalité nullement tolérées. L’accès à une personne de confiance externe formée à la médiation est aussi prévu.
Rémy organise rapidement une séance de travail avec Françoise, la médiatrice et Mario. Il s’avère que les personnes concernées sont membres d’une association collaborant avec l’entreprise. Françoise ne peut intervenir directement, car elle est mandatée par l’entreprise dont le collaborateur est soupçonné d’actes répréhensibles. Il faut trouver une autre avocate spécialisée qui recueillera les témoignages.
L’enquête prend du temps. Il faut à la fois permettre à toute personne concernée de témoigner en toute liberté, mais éviter aussi de créer de l’anxiété, des rumeurs et de stigmatiser le coupable présumé. Mario s’adresse à son premier contact, l’informe qu’une enquête est en cours et lui demande d’encourager tout témoignage. Quelques semaines plus tard, toute l’affaire se dégonfle. Malgré les mesures mises en place pour faciliter des entretiens en toute confidentialité, une seule personne a témoigné. Lors de ses quinze ans, elle se souvient d’avoir perçu de l’ambiguïté dans la façon dont le collaborateur la tenait par l’épaule… Mais elle ne voit pas de raison de porter plainte.
Françoise reçoit formellement un rapport complet de l’avocate mandatée décrivant les modalités de l’enquête et le résultat anonymisé. A sa prochaine séance, le conseil prend acte du rapport et classe l’affaire. Il propose toutefois d’organiser une nouvelle séance d’informations auprès de l’ensemble du personnel sur le thème du harcèlement. Mal à l’aise, Mario présente ses excuses pour avoir propagé et surréagi à une rumeur.
Piste de réflexion
Le conseil doit s’assurer que le climat de travail au sein de l’entreprise est respectueux et constructif, et prévenir et gérer toute forme de discrimination ou d’atteinte à la personnalité, en particulier le harcèlement moral et sexuel. L’exécution de cette tâche revient à la direction, mais si l’affaire parvient au conseil, ce dernier doit la traiter avec diligence et dans le respect absolu des règles prévues.
*«Gouvernance d’entreprise: l’envers du décor en 100 anecdotes», Dominique Freymond, Editions Châteaux et Attinger, 2023, 265 pages, CHF 34.-
