Le Conseil fédéral a rendu public jeudi son projet d’article constitutionnel en vue d’appliquer en Suisse l’imposition minimale de l’OCDE. Au centre du projet, un objectif: faire en sorte que les recettes de la hausse de l’imposition à 15% restent en Suisse.
Le projet du Conseil fédéral avait été déjà largement esquissé lors de la procédure de consultation raccourcie. La Suisse veut appliquer la nouvelle règle OCDE, car la communauté internationale l’a ainsi décidé. Les entreprises concernées, celles qui affichent des chiffres d’affaires supérieurs à 750 millions d’euros, le souhaitent aussi. Non par enthousiasme, mais pour éviter des problèmes ailleurs dans le monde.
En effet, en 2024 entrera en vigueur un autre dispositif de l’OCDE qui permettra à tout pays de prélever un impôt complémentaire sur une entreprise si sa charge fiscale en Suisse est inférieure à 15%. En jouant bien le coup, la Suisse conservera les recettes fiscales et les entreprises éviteront des procédures fiscales et des différents à l’étranger.
Dans biens des cantons suisses, l’imposition minimale de l’OCDE provoquera toutefois une hausse de la charge fiscale, soit parce que le taux d’imposition actuel est inférieur à 15%, soit parce que la charge peut être abaissée en dessous de ce niveau par l’utilisation d’outils fiscaux comme les allégements R&D. Le projet de l’OCDE signifie donc que la Suisse deviendra plus «chère» pour ces grandes entreprises et perdra de sa compétitivité par rapport à aujourd’hui. Or les coûts du travail et de la vie sont déjà élevés. Pour maintenir la compétitivité, il sera utile de prendre des mesures de compensation indirecte.
Or qui est mieux à même de juger quelles mesures peuvent limiter les dégâts possibles d’une hausse de la charge fiscale que les cantons eux-mêmes? C’est la raison pour laquelle il vaudrait mieux que ce soient eux qui encaissent les recettes supplémentaires. Ils connaissent mieux leur propre structure économique, qui n’est pas la même à Genève, Zurich ou Bâle, et savent mieux que quiconque comment compenser cette baisse d’attractivité.
Mais cela n’est pas gagné. Le Parti socialiste demande d’attribuer toutes les recettes à la Confédération. Cela ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel: faire en sorte que les recettes fiscales restent en Suisse. La bataille de chiffonniers que nous promet la discussion sur leur répartition ne doit pas mettre en danger la mise en œuvre du projet, car nous aurions beaucoup à perdre.
Ce dossier permet de tirer un parallélisme intéressant avec la réforme de l’impôt anticipé, qui sera soumise à votation en septembre: elle vise à récupérer des activités et des recettes fiscales qui nous échappent aujourd’hui, comme pourraient nous échapper celles de l’imposition minimale si nous n’y prenons garde.