Cela fait bientôt 15 ans que le Conseil fédéral a lancé l’idée d’une modification de l’impôt anticipé. Sous le titre un peu mystérieux de «stimulation du marché suisse des capitaux», les réflexions visent à corriger un système dont le principal défaut est d’avoir chassé les opérations de financement obligataires de grands groupes suisses à l’étranger.
En effet, l’impôt anticipé de 35% est peu apprécié des investisseurs étrangers, puisqu’il bloque un tiers des rendements d’intérêt qui leur sont dus, et qu’il les oblige ensuite à procéder à une gymnastique bureaucratique pour récupérer les sommes concernées auprès du fisc suisse, alors qu’au final ce dernier ne les taxe évidemment pas. Notons que cette problématique est tout aussi absurde dans le cas d’institutionnels, comme les caisses de pension, dont une partie des rendements est bloquée durant des mois, alors que l’institution est exonérée de tout impôt.
Ces défauts expliquent que de grands groupes suisses ont contourné le problème en émettant leurs obligations à l’étranger. Ce sont donc autant d’activités (trésorerie, conseils, institutions financières) qui sont externalisées, en particulier au Luxembourg. Pourquoi ce pays? Simplement parce qu’il ne prélève pas d’impôt anticipé sur les rendements d’intérêts, alors que la Suisse a la main la plus lourde, avec un taux de 35%.
L’amour immodéré du Parti socialiste pour l’impôt anticipé laisse songeur
Vincent Simon
Après bien des projets – furent évoqués puis abandonnés les idées de lever le secret bancaire ou d’instituer un agent payeur – le Conseil fédéral et le Parlement ont finalement trouvé une solution qui a le mérite de la simplicité: les intérêts des obligations émises en Suisse ne seront plus soumis à l’impôt anticipé, tant pour les investisseurs étrangers que suisses d’ailleurs. Ce changement provoquera certes un manque-à-gagner initial, mais il sera comblé en quelques années par le développement des activités de financement dans notre pays. On en attend donc non seulement des emplois, mais aussi des bénéfices et donc des recettes fiscales que l’on abandonne aujourd’hui à d’autres.
Ce projet est toutefois combattu par le Parti socialiste et il y aura votation. Pas de surprise dans l’argumentation: pertes insupportables de recettes fiscales, cadeau aux riches et, surtout, criminels fiscaux, qui pourront encaisser des intérêts sans rien déclarer au fisc. Sur ce dernier point, s’il n’est pas exclu que certains cachent des revenus aux autorités fiscales, ils peuvent déjà largement le faire aujourd’hui, en achetant par exemple des obligations étrangères, sans impôt anticipé. C’est donc un argument feu de paille. A part cela, l’amour immodéré du Parti socialiste pour l’impôt anticipé laisse songeur: cet impôt nous prive d’activités, d’emplois et de recettes fiscales bien plus importantes. Pourrait-on un seul instant imaginer les camarades socialistes du Grand-Duché combattre un tel projet dans leur pays? Sans aucun doute non. C’est un luxe que seuls des Suisses peuvent se permettre.