8 mars, journée des droits des femmes. C’est une date symbolique et importante dans le calendrier. Elle rappelle que partout dans le monde, les droits des femmes sont largement bafoués, la situation empirant même dans de nombreux pays, et que l’égalité n’est de loin pas acquise.
En Suisse, c’est la question de l’égalité salariale qui occupe le devant de la scène. Les chiffres varient fortement selon qui en est l’émetteur. C’est presque normal, au vu de la jungle des statistiques qui règne dans ce domaine. Pourtant, un effort a été fait pour y voir plus clair, les entreprises de plus de cent employés étant désormais tenues de procéder à une analyse de l’égalité des salaires.
Les premiers résultats sont réjouissants: 97% des entreprises sont dans les clous. Les données sont-elles fiables? C’est une épineuse question. Les méthodes de mesure des inégalités salariales conseillées par la Confédération font l’objet de plusieurs critiques. Logib, le logiciel gratuit proposé par la Confédération, ne prend pas en compte certains éléments importants, comme les compétences linguistiques ou les interruptions de carrière.
Détecter une discrimination de genre se révèle difficile au niveau méthodologique
Véronique Kämpfen
Autre pierre d’achoppement: le calculateur statistique de salaires Salarium, proposé par l’Office fédéral de la statistique, basé sur l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Il apparaît comme un outil contre-productif de l’encouragement à l’égalité entre les sexes, présentant automatiquement le calcul de salaire mensuel brut pour un poste de travail spécifique selon certaines caractéristiques individuelles, dont le genre. Présenté ainsi, l’outil contribue à la perpétuation de la prise en compte de salaires différents pour les femmes et les hommes. L’ESS elle-même est sous le feu des critiques, l’enquête recueillant des données trop globales.
C’est une étude menée par l’Université de Bâle en 2021 qui a mis ces limites en évidence. Ses auteurs indiquent que lorsqu’on choisit une méthode, il s’agit de savoir si l’on veut mettre en évidence une discrimination de genre ou décrire des écarts salariaux existants. Détecter une discrimination de genre se révèle difficile au niveau méthodologique. En effet, seuls les salaires des personnes occupées peuvent être étudiés. Or, décider de participer au marché du travail ou non peut déjà relever d’une discrimination, qu’elle soit perçue, réelle ou anticipée.
Quelles que soient les difficultés de recenser de manière objective les écarts salariaux, et malgré les indicateurs qui montrent des résultats encourageants, il ne faut pas baisser la garde et rester vigilants. La pandémie de Covid l’a montré.
Pendant cette période de crise, l’écart salarial entre femmes et hommes se serait creusé. Ce n’est pas parce que les premières ont gagné moins. C’est parce qu’elles n’ont pas vu leurs salaires augmenter, alors que celui des hommes aurait davantage progressé. L’explication de ce phénomène? En période de crise, les femmes osent encore moins demander des hausses ou des adaptations de salaires, alors que les hommes ne se gênent pas. Cette attitude plus agressive paie. Cela dit, au vu des biais méthodologiques et des résultats encourageants des enquêtes auprès des entreprises, ces résultats sont-ils fiables? Il faut à tout le moins se poser la question.