En décembre 2021, E4S avait étudié l’impact du désinvestissement en tant que stratégie responsable. En trois parties, la série E4S sur l’actionnariat actif se penche sur une alternative au désinvestissement: l’engagement et le vote.
Cette semaine, le Centre Enterprise for Society (Unil, EPFL et IMD) clôture sa série sur l’actionnariat actif, une pratique à la popularité croissante dans la finance durable qui allie engagement et exercice des droits de vote de l’actionnaire.
Après le décryptage de l’actionnariat actif dans un premier volet et l’évaluation de son impact sur l’investisseur et l’entreprise dans un second, cette dernière analyse développe les facteurs facilitant l’implémentation des demandes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) des actionnaires.
Trois éléments pour réussir son engagement ESG
Le succès de l’actionnariat actif à dimension ESG passe par trois catégories d’éléments: le profil de l’entreprise ciblée, le profil de l’investisseur et les caractéristiques des demandes actionnariales.
On observe premièrement que les entreprises matures et conscientes des questions ESG sont les plus susceptibles de se conformer aux demandes des actionnaires. Cette tendance pourrait s’expliquer par leur capacité d’investissements plus importante et leur crainte de mauvaise presse mais aussi par le fait que répondre à l’engagement peut avoir des bénéfices opérationnels.
Disposer d’antécédents solides et d’un savoir-faire en matière ESG permettrait en outre à l’entreprise de se conformer plus facilement, compte tenu du faible écart entre les demandes et les pratiques existantes.

Deuxièmement, les investisseurs institutionnels locaux avec un historique d’engagements fructueux avec l’entreprise semblent atteindre plus souvent leurs objectifs. Cela s’explique notamment par l’efficacité gagnée grâce à la proximité géographique, aux similitudes culturelles et aux avantages linguistiques. Les caractéristiques des investisseurs institutionnels, telles que de hauts actifs sous gestion, l’existence de processus d’engagements internes et leur crédibilité à gagner le soutien d’autres actionnaires favorisent aussi le succès d’initiatives actionnariales.
Finalement, les engagements collaboratifs avec un investisseur coordinateur principal, traitant de la gouvernance d'entreprise ou ayant une approche plus agressive semblent être davantage fructueux.
Que faire lorsque l’engagement ne porte pas ses fruits
Cela veut-il dire qu’il faut laisser de côté les petites entreprises et les retardataires et se concentrer sur les engagements axés sur des entreprises matures et conscientes des questions ESG? Certainement pas, c’est au contraire là où le potentiel d’impact de l’actionnariat actif est le plus grand. Même lorsque l’engagement ne porte pas ses fruits après une première tentative de dialogue, les investisseurs engagés peuvent exploiter d’autres outils.
Intensifier l’engagement ou collaborer avec d’autres acteurs, tels que les investisseurs obligataires et les créditeurs, peut en effet amener l’entreprise à reconsidérer sa position vis-à-vis des demandes des investisseurs.
Dépôt de résolution climatique chez Credit Suisse: qu’en attendre?
Le 9 mars 2022, une coalition de 11 investisseurs institutionnels, coordonnée par l’ONG ShareAction et soutenue par la Fondation Ethos, a déposé une résolution relative au climat au conseil d’administration de Credit Suisse.
Soumise au vote lors de son assemblée générale du 29 avril prochain, celle-ci demande à la banque suisse d’inclure un nouvel article lié au financement du changement climatique à ses statuts et de fournir des informations complémentaires sur sa stratégie d’alignement sur les objectifs de l’Accord de Paris. En se basant sur les éléments énoncés précédemment, à quoi peut-on s’attendre?
Credit Suisse est dans une position réputationnelle et financière difficile. Elle est engagée par un groupe d’investisseurs et de coordinateurs crédible et en majorité suisse, disposant d’un historique d’engagements environnementaux réussis et avec qui elle est en contact depuis plusieurs années sur ces problématiques.
En réponse au dépôt de la résolution, le conseil d’administration a annoncé des mesures alignées sur les demandes actionnariales mais pour une implémentation en 2023. Ces avancées n’ont cependant pas été suffisantes pour convaincre le groupe engagé de retirer sa résolution.
Une acceptation de la résolution pourrait être une opportunité pour la banque de faire preuve de leadership et de rétablir la confiance avec les parties prenantes. Malgré cela, l’attention portée par les actionnaires sur les déficiences dans sa gestion et son contrôle des risques et l’absence de soutien des agences de conseil en vote (Glass Lewis et ISS) – possiblement du fait de la réponse déjà obtenue par le conseil d’administration – pourraient compromettre l’acceptation de la résolution. Verdict le 29 avril prochain.
