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Vers un marché primaire de dettes locales plus attrayant

Le resserrement des politiques monétaires des pays développés impacte le marché des crédits émergents.

Gianni Pugliese
Mirabaud - Analyste obligataire
18 août 2022, 22h43
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La hausse planétaire des taux d’intérêts pèse lourd sur les marchés obligataires émergents. Elle pénalise bien sûr les performances du marché secondaire mais affecte également un marché primaire en devises étrangères qui s’effondre chaque jour un peu plus. Les dommages sur ce dernier sont notamment visibles dans le secteur des obligations d’entreprises où le rythme de refinancement d’emprunts a chuté au plus bas depuis sept ans.

Pourquoi ? Parce que le temps où refinancer une dette permettait de réduire les coûts d’emprunts est désormais révolu. Ainsi, Bloomberg indique que, depuis le début de l’année, les entreprises émergentes n’ont levé que 49 milliards libellés en dollars et euros à titre de refinancement. Cette somme est en chute de 68% par rapport aux 155 milliards de dollars émis sur la même période en 2021. La dégradation a été particulièrement marquée cet été puisque, depuis début juillet, seuls 4.3 milliards de dollars ont été émis, soit plus de 80% de baisse par rapport à l’année dernière. Ces chiffres illustrent à quel point le durcissement des politiques monétaires des pays développés impacte les crédits émergents.

Des remboursements devenus plus difficiles

Avant cela, les injections massives de liquidités, pour surmonter les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, avaient poussé les entreprises émergentes à emprunter à tour de bras en devises étrangères, profitant de taux extrêmement bas. Cette fenêtre d’opportunité s’est refermée, compromettant la possibilité de réduire les coûts à un moment où ces mêmes entreprises sont confrontées au ralentissement économique, à la volatilité des marchés. A cela s’ajoutent l’équivalent de 200 milliards de dollars d’emprunts à rembourser en devises étrangères d'ici fin 2022. Au vu de la situation, certaines d’entre elles ont alors décidé d’emprunter dans leur propre monnaie ou d’utiliser leurs liquidités pour rembourser leurs dettes. Tel est le cas de Yapi ve Kredi Bankasi, une banque turque, qui prévoit d’utiliser ses propres ressources afin de rembourser un emprunt d’un milliard de dollars d’obligations subordonnées, arrivant à échéance en décembre prochain, citant « un marché défavorable pour les nouvelles émissions ».

Un optimisme peut-être exagéré

Un regain d’activité sur le marché primaire s’avère incertain, du moins à court terme. En effet, les bonnes performances des marchés obligataires américains et européens observées au mois de juillet reflètent peut-être un optimisme exagéré sur l’évolution des politiques monétaires des grandes banques centrales. En outre, malgré la tournure positive des indices obligataires le mois dernier, les entreprises des marchés émergents continuent de payer des rendements supérieurs à 7.25% pour emprunter en dollars selon l’indice Bloomberg. Cela représente 2% de plus que le rendement moyen à 5 ans et une hausse de 2.75% comparé à fin 2021. Autrement dit, le service de la dette sera plus onéreux pour les entreprises qui choisiront de refinancer leurs obligations arrivant à échéance plutôt que de les rembourser. En conclusion, la hausse des taux, principalement américains, a renchéri le financement en devises étrangères. Ainsi, l’activité penchera plus probablement vers les marchés primaires de dettes locales, plus attrayantes pour les entreprises.