Les conditions financières sur le marché américain des emprunts d’entreprises de qualité restent très favorables, si l’on en juge par les primes de risque plutôt étroites, d’un point de vue historique. Mais les doutes sur la durabilité de l’inflation et une Fed devenue moins prévisible sont susceptibles de changer la donne. En effet, le fait que le marché table sur une inflation qui durera plus longtemps que prévu pourrait, in fine, contraindre la Fed à relever ses taux plus tôt qu’attendu.
Dans ce contexte, la bonne tenue des rendements des obligations de qualité demeurera suspendue au risque de décision de la Fed dans les mois à venir. Mais entre-temps, qu’il se concrétise ou non, ce risque nourrit incertitude et volatilité. Il est vrai que les bas niveaux de rendements et de primes de risque maintiennent des valorisations élevées et laissent peu de place à l’erreur. C’est pourquoi, outre les incertitudes liées à la Fed, celles de nature idiosyncratique peuvent également vulnérabiliser les obligations d’entreprises par le biais d’un élargissement des primes de risque.
Cela dit, la crainte de l’inflation occupe la première place en matière d’inquiétude. Elle est illustrée par une enquête de Bank of America qui montre que 73% des investisseurs en obligations d’entreprises, interrogés ce mois-ci, sont préoccupés par la dynamique de l’indice américain des prix à la consommation. En réponse à cette crainte, certains ont choisi de réduire la duration de leurs portefeuilles, préférant acheter des emprunts plus courts et diminuer les expositions aux longues maturités.
Des sorties de fonds de 16 milliards
C’est ainsi que, vendredi dernier, l’ETF IShares iBoxx $ Investment Grade Corporate Bond, dont la duration est de 10 ans, a subi sa seconde plus grande sortie de fonds enregistrée sur une séance, environ 1,5 milliard de dollars. Ces sorties de fonds totalisent désormais 16 milliards et aucun autre ETF américain n’a fait pire cette année.
Influence sur le marché primaire
Coté emprunteurs, ce regain de prudence pourrait également influencer le marché primaire. Malgré des taux d’emprunt encore favorables sur les parties longues des courbes de rendements, quelques émetteurs viennent lever des fonds sur des échéances un peu plus courtes ou intermédiaires, là où, au vu des circonstances, la demande a plus de chance d’être au rendez-vous. C’est le cas de HSBC Holdings qui a émis 6 milliards de dollars cette semaine, dont 4,25 milliards à 6 ans ou moins, et 1,75 milliard à une plus longue échéance de 11 ans, le tout à des conditions toujours favorables.
Mais alors à quel point faut-il s’inquiéter d’un changement de donne ? La prime de l’indice Bloomberg des entreprises de qualité se situe à 90 points de base au 17 novembre, à peine 10 points de base supérieure à son niveau le plus bas de l’année qui date de fin juin. Certains stratégistes prévoient une hausse de cette prime de l’ordre de 20 points de base à 30 points de base au premier semestre de l’année prochaine, avant de se stabiliser pour terminer l’année autour de 100 points de base. Rien de spectaculaire, apparemment, si ce n’est qu’il y a peu de place pour l’erreur.