5000 milliards de dollars. Le chiffre correspond aux pertes enregistrées sur les marchés émergents depuis début 2021. Les dégâts se comptabilisent comme tels: environ 4000 milliards de dollars sur la valeur des actions des 24 pays émergents inclus dans l’indice MSCI, 500 milliards sur les obligations libellées en monnaies locales et 500 milliards supplémentaires sur celles libellées en dollars. Les causes sont toujours les mêmes: hausses des taux de la Fed et resserrement quantitatif, flambée de l’inflation, vagues de pandémie en Chine et guerre en Ukraine.
Volatilité et stress pèsent toujours lourd dans la balance mais les niveaux actuels deviennent tentants pour certains investisseurs. Ils partent du principe, qu’après 15 mois de désinvestissements, une partie importante des risques est désormais intégrée au sein des marchés émergents. Il devient dès lors envisageable de recommencer à investir. Le retour serait toutefois graduel car les risques de pertes subsistent, surtout si l’économie chinoise ralentit davantage ou si la Fed durcit le ton. Il ne s’agit donc pas d’un soudain revirement optimiste, mais plutôt de considérer une opportunité qui se dessine.
Malgré le chaud et le froid qui soufflent sur les dettes émergentes, plusieurs éléments leur semblent encourageants. Au vu des niveaux actuels, le profil risque – retour sur investissement s’est amélioré. A cela s’ajoute que les rendements obligataires à 6,5% sur l’indice EM Aggregate, contre 3,5% au début 2021, regagnent en attractivité. Non seulement ils deviennent plus aptes à amortir l’impact d’ultérieures hausses des taux directeurs, mais ces investisseurs, disons plus opportunistes, pensent que de tels niveaux permettent d’anticiper des performances positives au cours de l’année prochaine.
Deux facteurs décisifs
avant de céder à la tentation
Ils estiment également que le pire est probablement passé puisque l’indice a baissé de plus de 14% cette année. Au final, deux facteurs pourraient s’avérer décisifs avant de céder franchement à la tentation: un pic d’inflation et un arrêt de la tendance haussière du dollar. Si les deux venaient à se concrétiser, il y a de bonnes chances que les feux passent au vert.
Bien-sûr, cette vision plutôt constructive n’est pas partagée par tous. D’autres investisseurs qui, bien que prenant acte des bonnes raisons de considérer une augmentation de leur exposition, ne sont pas convaincus d’un revirement imminent des marchés émergents. Leur sentiment s’améliore mais ils ne sont pas prêts à brûler les étapes. Ils se disent neutres en vue de devenir haussiers vers la fin de l’année… en attendant le pic d’inflation. On le voit, tout comme les causes, les inquiétudes demeurent les mêmes, celles que ce cycle de resserrement des banques centrales des marchés développés soit beaucoup plus agressif qu’attendu, que les tensions géopolitiques montent en puissance et que les marchés émergents en fassent les frais. Autrement dit, ces investisseurs s’attendent à ce que les marchés émergents subissent davantage de pertes avant de toucher un creux. Alors faut-il céder à la tentation ou la craindre? Une réponse pourrait être «oui, si l’on accepte l’éventualité de perdre avant de gagner».