Gianni Pugliese
Mirabaud - Analyste obligataire
27 octobre 2020, 18h09
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Ce mois-ci, le marché primaire européen a franchi le cap des 1500 milliards d’euros pour la première fois. Selon Bloomberg, le total des nouvelles émissions par voie syndiquée est à présent supérieur de près de 10% à celui enregistré sur toute la période 2019 une année record déjà avec 1382 milliards d’euros.
Dès fin mars, avec le retour de l’accès au marché primaire, les entreprises, les gouvernements et les agences ont multipliés les emprunts. Tous se sont précipités afin d’accumuler des liquidités suffisantes pour surmonter les effets potentiellement ravageurs de la pandémie. Ils ont pu le faire grâce aux interventions cruciales des banques centrales qui ont œuvré à la réouverture du marché primaire et à la baisse des coûts d’emprunt. Dans le détail, les gouvernements, organismes supranationaux et publics (SSA) ont de loin été les plus gros émetteurs. Ils ont recouru à l’endettement pour secourir des économies étouffées par les confinements.
Des taux toujours plus bas
L’Espagne, par exemple, a placé un emprunt de 15 milliards d’euros à 10 ans en avril, l’Italie a levé plus de 60 milliards et même l’Allemagne s’est aventurée sur le chemin de la syndication. Bloomberg estime que le montant d’émissions des SSA surpassera 725 milliards cette année, soit environ 62% de plus que celui émis en 2019. Côté entreprises non financières «investment grade», l’avance est de 29% et le schéma est identique. Les entreprises ont levé des fonds sans relâche depuis l’assèchement du mois de mars pour renforcer leurs liquidités. Les achats de la BCE et la quête de rendement des investisseurs leur ont permis de se financer à des taux toujours plus bas, de sorte que les primes de risque ont pratiquement retrouvé leur niveau d’avant le virus.
Des maturités longues
A noter que, contrairement aux crises précédentes, les entreprises ont emprunté sur des maturités longues afin de bloquer des coupons bas pour plus longtemps. Ce choix de financement a contribué à réduire le risque d’accès au marché à court terme – tel que celui des papiers commerciaux – en cas d’ultérieure fermeture du marché. Quant au secteur des obligations financières, le volume d’émissions a reculé de 22%, pour une raison somme toute assez intuitive. Les banques ont couvert une vaste portion de leur besoin de financement directement auprès de la BCE, à travers les divers plans d’aide aux établissements bancaires.
Pour finir, les emprunts à caractère durable, une classe obligataire en pleine expansion au vu du contexte actuel, ont également participé au déluge des nouvelles émissions. Le premier emprunt «SURE» de l’Union Européenne (UE) – 17 milliards pour un carnet d’ordres de 233 milliards – confirme et consolide le statut incontournable de ce segment. Avec un volume émis de 183 milliards d’euros cette année, la progression avoisine 70% par rapport à 2019. Le potentiel d’émissions est considérable dans les années à venir, sachant que la taille du programme «SURE» est de 100 milliards à lui tout seul et que l’UE pourrait consacrer plus de 30% de son plan de relance de 750 milliards à des projets qui seront financés par des obligations durables.
*Analyste Obligations chez Mirabaud & Cie