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Prudence croissante sur les fonds émergents

Deux tiers des obligations émises dans le monde en 2021 affichent un prix inférieur à celui fixé lors de leur lancement.

Gianni Pugliese
Mirabaud - Analyste obligataire
04 novembre 2021, 22h58
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L’inflation galopante et le durcissement de ton des grandes banques centrales ont fini par avoir raison des vents favorables dont bénéficiaient les emprunts émergents. Jusqu’à récemment, le soutien des banques centrales et l’aplatissement des courbes de rendements avaient permis aux émetteurs de se financer à des conditions toujours plus avantageuses et sur des maturités toujours plus longues.

Quête de rendement oblige, les investisseurs étaient au rendez-vous tant qu’il y a une prime. Ainsi, sur le primaire, les coûts d’emprunts continuaient de baisser, les primes de risques se rétrécissaient, les coupons diminuaient et les durations se rallongeaient. Autant d’éléments qui pourraient rendre les marchés émergents plus vulnérables en cas de correction haussière des rendements.

Un renversement de tendance

Cette année marque un renversement de tendance dans le sillage de la lenteur initiale des vaccinations, suivie de craintes liées à la flambée inflationniste. Résultat, deux tiers des obligations émises en 2021 affichent un prix inférieur à celui fixé lors de leur lancement. Selon Bloomberg, la perte générée au sein des portefeuilles qui les détiennent est estimée à environ 9 milliards de dollars. Sur les 563 obligations d’entreprises et étatiques, libellées en dollars et émises depuis janvier, 371 auraient vu leurs prix chuter de 2,8% en moyenne, et bien plus parfois. Le 3,75% Mexique 2071, émis au mois de janvier, se négocie à 88,50%, le 3,75% Brésil 2031, émis en juin cote 91,50% et le 6,5% Turquie 2033 émis en septembre est traité à 96,75%.

Ces pertes ne sont pas sans conséquences, que ce soit sur le comportement des investisseurs ou sur les perspectives des émetteurs. Les fonds obligataires pourraient décider de réfléchir à deux fois avant de s’engager sur le marché primaire. Côté émetteurs, 584 milliards d’emprunts libellés en dollars et en euros arriveront à échéance l’année prochaine. Le refinancement sera certainement plus onéreux du fait de l’évolution haussière des coûts d’emprunts. De même, une Fed et une BCE moins accommodantes impliqueront des primes à l’émission plus conséquentes, voire même parfois des reports d’emprunts.

Lever des fonds relèvera donc du défi dans certains cas. Des pays en difficulté comme le Sri Lanka (CCC) ou le Salvador (CCC+), par exemple, risquent de ne pas pouvoir accéder au marché. Des entreprises turques, notées en catégorie spéculative, seront peut-être logées à la même enseigne en raison de la volatilité qui frappe la dette souveraine du pays. Suite aux déboires du marché immobilier chinois, le marché primaire est désormais temporairement fermé aux émetteurs à haut rendement du secteur.

Bien que les émetteurs émergents aient levé 661 milliards de dollars cette année, comme l’an dernier, Bloomberg constate un volume d’émissions en recul de 10 % au mois d’octobre, comparé à 2020, un chiffre qui laisse entrevoir un ralentissement de l’activité primaire. Dans la foulée, les données compilées par EPFR au 27 octobre montrent que les fonds obligataires émergents ont enregistré des flux sortants de 32,6 milliards de dollars en 2021. L’euphorie fait place à la prudence.